Publié par : paysdesmasques | samedi, 28 novembre 2015

Les réfugiés syriens futurs anglophones québécois ?

 Par pierre Godin

Une fois que les Québécois auront accueilli à bras ouverts les milliers de réfugiés syriens, selon leur générosité proverbiale, il faudra se poser la question : seront-ils anglicisés comme l’ont été les immigrants sous le gouvernement libéral de Jean Charest? Aux élections d’avril 2014, Pauline Marois s’était désolée dans sa péroraison finale que la question du français fut évincée de la campagne.

Remarque judicieuse, car il était évident que Philippe Couillard, successeur de Jean Charest, avait intérêt à tuer le sujet, vu la béance de son indifférence vis-à-vis l’avenir du français dont on a eu un aperçu inquiétant au second débat des chefs. Et vu aussi le bilan accablant de son prédécesseur au sujet de la francisation des nouveaux Québécois qu’on pourrait résumer ainsi : plus on accueillait d’immigrants, plus on les anglicisait.

Petit rappel des faits.

La politique d’anglicisation des libéraux visait, à plus ou moins long terme, à modifier le caractère français du Québec en faveur de l’anglais. La statistique était implacable. Des 49 489 immigrés accueillis en 2009 (la population d’une ville moyenne de province), à peine 25 % suivaient des cours de français, alors que 40 % les boudaient carrément au vu et au su du gouvernement libéral.

« On progresse en matière de francisation », s’entêtait pourtant à dire Yolande James, ministre responsable de l’immigration. La réalité était tout autre. Débarqués chez nous en baragouinant deux ou trois mots de français, ou pas un seul, les migrants ne le parlaient toujours pas des mois après leur arrivée. Ils pouvaient remercier Jean Charest qui faisait reposer la francisation sur l’incitation, la bonne volonté, la tape dans le dos, le tout sourire… C’était la porte grande ouverte à l’anglicisation à cause de la force d’attraction de l’anglais nord-américain.

Aux États-Unis, en France, en Allemagne et en Angleterre, la connaissance de la langue commune, anglaise, française ou allemande, est obligatoire pour tout immigrant. Alors qu’au Québec des libéraux, il n’était pas nécessaire d’apprendre le français même s’il s’agissait de la langue commune. Mais ce n’était pas cette petite « contrariété » qui allait les faire renoncer à leur politique visant à angliciser l’immigration et la société québécoise par ricochet.

En effet, des cours de français, il y en aurait de moins en moins. Objectif du gouvernement Charest : abolir le maximum de classes de francisation en évitant toutefois de soulever la tempête chez les « angoissés de la langue », pour reprendre l’expression de l’une des  « plumes » de La Presse, Alain Dubuc. Connecté au milieu des affaires qui avaient combattu bec et ongles la Charte du français (loi 101) adoptée, 30 ans plus tôt, par René Lévesque, le scribe tombait dans la dérision propre à ceux que le même René Lévesque appelait « nos exilés de l’intérieur ».

Sous prétexte de coupes budgétaires, la ministre Yolande James ferma donc 30 classes de francisation à temps complet, puis quelque temps plus tard, 35 autres classes destinées, celles-là, aux travailleurs immigrants. Cette dernière coupe allait faire épargner à l’État 600 000 $ dollars sur un budget de… 72$ millions. « Une économie de bout de chandelles », s’insurgea l’Opposition péquiste, scandalisée.

Aux journalistes intrigués par ces compressions, car ils constataient tous les jours l’incapacité d’un grand nombre d’allophones de s’exprimer en français, la ministre babilla : « Les immigrants peuvent toujours décider d’apprendre le français par eux-mêmes… » Elle en était rendue aux expédients. Pourtant, les experts avaient calculé qu’à Montréal, plus de la moitié des travailleurs immigrants ne parlaient pas un traître mot de français.

Pour redresser la situation et prouver qu’il se souciait du français, Jean Charest fit insérer un article « audacieux » dans le texte de son controversé projet de loi 103 sur l’école passerelle. Il s’agissait de cette loi discriminatoire qui, en violation de la loi 101, ouvrait la porte de l’école anglaise privée aux enfants des immigrants riches, les enfants des milieux modestes étant « condamnés » à l’école publique française… L’article stipulait que « le français était la langue normale et habituelle de l’espace public, un instrument essentiel de cohésion sociale » et qu’il était important « d’en assurer la pérennité ».

Las! devant la résistance de son électorat anglophone et allophone, à qui il devait le pouvoir, il s’était hâté de reculer honteusement. On n’entendit plus jamais parler de l’article en question, prestement caviardé dans le texte original de la loi 103, comme l’avait révélé après coup la presse. Il ne s’était agi en somme que d’une entourloupette pour calmer « les angoissés de la langue » qui s’inquiétaient des dommages collatéraux que l’école passerelle causerait à la longue au caractère français du Québec.

Succédant à Yolande James qui avait jeté l’éponge, ce fut au tour de la nouvelle ministre de l’Immigration, Kathleen Weil, de « s’illustrer ». La stratégie de cette ancienne avocate d’Alliance Québec, défunt lobby anglo très militant lié aux libéraux qui avait combattu la loi 101, était des plus limpides. Imaginer mille stratagèmes pour compliquer et ralentir la francisation des immigrants. Et par ricochet, stopper la perte de poids de sa communauté de référence en redirigeant le plus possible d’allophones vers l’école anglaise.

Pour réussir sa nouvelle « mission », la ministre pouvait miser sur la passivité indéfectible de son chef qui, comme Philippe Couillard aujourd’hui, n’éprouvait aucune fixette à propos de la francisation. À Montréal, comme la moitié des travailleurs immigrants ne baragouinaient pas plus l’anglais que le français, elle chuchota aux hauts fonctionnaires de son ministère : « Il faut parler anglais pour se trouver un emploi. La réalité, c’est ça. Nous allons donc payer des cours d’anglais aux immigrants, à tous les immigrants, même francophones… »

Sujet tellement explosif qu’il était plus ou moins tabou, à l’interne. Quand l’affaire fuita dans la presse,  la ministre Weil chercha à noyer le poisson : « La langue de travail, c’est sûr que c’est le français, mais… » Que voulait donc dire ce « mais »? On l’apprit bientôt par les titres des quotidiens : « Langue de travail — le gouvernement consacre des millions de dollars à l’anglicisation des  immigrants. »

Révoltés par la politique de leur ministre, des cadres intermédiaires multipliaient les confidences aux journalistes : « On dit aux immigrants que l’anglais est nécessaire pour avoir un emploi. On fait ça discrètement parce que si le monde le savait… Le pire, c’est que comme on a fermé beaucoup de classes de français, les immigrants doivent attendre des mois parfois avant de pouvoir y aller. Alors, on leur suggère de suivre des cours d’anglais …en attendant. Vous voyez l’astuce : on coupe la francisation pour favoriser l’anglicisation ? »

Nullement intimidée par l’Opposition péquiste qui ravalait sa politique à « une invitation à s’angliciser », Kathleen Weil chercha néanmoins à atténuer l’impact négatif des cours d’anglais qu’elle « payait » aux travailleurs immigrants francophones : « Est-ce qu’un immigrant francophone devient anglicisé parce qu’il parle un peu d’anglais? Non, pas du tout… » La réalité prouvait le contraire. Immerger l’étranger à son arrivée dans un bain d’anglais en lui répétant qu’il devait le parler pour gagner sa croûte le ferait chavirer à jamais du côté de la vie en anglais. Il réaliserait vite que, mêmes minoritaires, les winners anglos imposaient leur langue aux loosers francos complexés qui s’empressaient de fourrer leur langue dans leur poche dès qu’ils entendaient tinter un mot d’anglais autour d’eux.

Se cramponnant à son plan d’anglicisation des allophones, Kathleen Weil appuya encore sur le champignon. Elle annonça, sans y voir de contradiction, qu’elle comptait accueillir encore plus d’immigrants. Dépasser même le chiffre mythique de 50 000 par année. Satisfaite d’elle-même, elle gazouilla : « Je ne vois aucune nécessité d’augmenter les budgets consacrés à la francisation des immigrants, on réussit très bien ce qu’on fait déjà. » Pauline Marois avait son voyage. Prenant la presse à témoin, elle explosa : « La ministre doit être la seule au pays à croire qu’elle peut accueillir plus de 50 000 immigrants par année sans mettre plus de ressources pour les franciser. »

Un employé du métro en eut ras le pompon de tous ces immigrés anglicisés par les libéraux qui lui demandaient leur chemin dans un anglais boitillant au lieu de s’adresser à lui en français. Il promulgua sa propre politique de francisation. « Dans le métro, c’est en français que ça se passe! » annonçait l’affichette qu’il plaça près de son guichet. Quand l’État ne fait pas ce qu’on attend de lui, les citoyens rédigent leur propre loi!

Croyez-le ou non, nos blogueurs de presse francophones le désavouèrent. L’un d’eux, le barbichu Michel David, du Devoir, adopta même un ton paternaliste pour moraliser l’employé  : « La communauté anglo s’est insurgée à bon droit contre cet employé à qui il n’appartenait pas d’interpréter la façon dont la Charte du français devrait être appliquée dans le métro… »

Par chance, ce n’étaient pas tous les citoyens qui baissaient les bras devant la part de plus en plus chiche réservée au français dans les services publics de la métropole et devant la politique libérale d’anglicisation des nouveaux Québécois. « Que plus de 100 000 travailleurs immigrants ignorent le français est anormal et inquiétant », dénoncèrent les syndicats du monde de l’enseignement et du monde ouvrier. Et les zélés défenseurs du français de compléter : « Chaque fois qu’on donne des services en anglais aux allophones, on passe le message : pas besoin d’apprendre le français, vous êtes dans un État bilingue, vous pouvez travailler et vivre en anglais. »

Même si le mur de béton sur lequel Kathleen Weil allait finir par se cogner le nez se rapprochait, elle imagina un nouveau stratagème pour réduire, cette fois, le nombre de migrants francophones désireux de se fixer chez nous. Sous prétexte d’une plus grande « diversité culturelle » (are you kidding !), la ministre fixa un quota de 30 % par bassin démographique. Il fallait creuser sous la surface de ce 30 % pour découvrir la couleuvre qu’elle y avait cachée.

En effet, même si nous recrutions nos immigrants dans plus de 130 pays du globe, la grande majorité provenait de nations où l’on parlait le français : France, Suisse, Belgique. Mais plus encore,  pas loin de 40 % des allophones provenaient du bassin méditerranéen — Algérie, Maroc, Tunisie — où on parlait le français couramment. Ces migrants répondaient parfaitement bien aux critères de sélection adoptés par le gouvernement du Parti québécois précédent : jeunes, scolarisés et francophones. Une grille de sélection contestée par la ministre Weil qui cherchait à contingenter les zones à forte immigration francophone en les soumettant à la règle du 30 %.

« C’est de la discrimination! » s’exclamèrent les critiques qui fusaient de tous bords et de tous côtés, à l’exception des milieux d’affaires inféodés aux libéraux et de la bergerie libérale. Perplexe, le Conseil supérieur de la langue française s’interrogeait sur « les motifs cachés » de la ministre. Pauline Marois y décelait, elle, la volonté à peine masquée des libéraux de limiter l’immigration francophone. En noyant les tricotés serrés dans une mer d’étrangers parlant d’autres langues que le français, Jean Charest ne perdait pas non plus de vue sa réélection garantie par le vote massif des Anglos et des immigrés.

Robert Dutrisac, du Devoir, décortiqua à sa façon la stratégie gouvernementale : « L’appui aux libéraux est plus fort chez les allophones que chez les francophones. Le gouvernement a donc un intérêt objectif à faire diminuer le poids relatif des natifs dans la population en accueillant de plus en plus d’immigrés… »

Mais « dear Kathleen », comme ironisaient les péquistes, avait franchi la ligne rouge en voulant restreindre le nombre de migrants en provenance des pays de l’Afrique francophone. Elle dut reculer honteusement, renonçant à son quota de 30 % par bassin d’immigration. « C’est perçu négativement, c’est perçu comme de la discrimination, bredouilla-t-elle, la mine déconfite. Ce n’était pas le bon message à envoyer, je l’admets… »

Même échaudée, elle imagina une autre gimmick pour angliciser les immigrants. Désormais, ce ne serait plus ni elle ni son ministère, mais les organismes communautaires, qui les accueilleraient. Jusqu’ici, l’accueil du nouveau venu se faisait en deux temps et obligatoirement en français, afin de bien lui faire comprendre qu’il débarquait dans une province de langue française.

À l’avenir, l’immigrant n’aurait droit qu’à une seule séance d’information donnée non plus par un fonctionnaire de l’État, mais par les communautaires qui pourraient, le cas échéant, recourir à l’anglais ou à une autre langue. Ça rouspétait du côté des fonctionnaires qui se défoulaient auprès des journalistes : « La ministre Weil n’a fait que copier ce qui se fait dans les provinces anglaises. Chez nous, on faisait les choses différemment. Il nous avait toujours semblé important que l’immigré soit d’abord en contact avec un État qui parle français. »

À l’avenir, la langue d’accueil pourrait être aussi bien l’anglais que l’espagnol, l’italien, l’allemand, le russe, le chinois, le kazakh, l’espéranto, mais pas le français… Avec l’élection de Philippe Couillard, le 7 avril 2014, il fallait s’attendre à replonger dans la Babel Ville des libéraux de Jean Charest, vu qu’il avait soutenu durant la campagne électorale que même les ouvriers d’une chaîne de montage de province devaient parler anglais pour plaire à leurs boss américains! Mais d’où sortait-il, celui-là, se moquaient ses adversaires péquistes? S’imaginait-il encore en Arabie saoudite où il avait conseillé la pire dictature intégriste du monde arabe? Sans doute en avait-il été trop imprégné, car de retour au pays, il affirma que « l’intégrisme était un choix personnel »…

Certes, dans ce pays saoudien où on lapide la femme adultère, l’arabe est la langue nationale, mais l’anglais est néanmoins obligatoire et largement utilisé sur l’ensemble du territoire. Un modèle linguistique qui a l’air de plaire au premier ministre du Québec qui, soit dit en passant, a reconduit à l’Immigration la ministre Weil, malgré son bilan désastreux de la francisation des immigrants. Il ne reste plus à Philippe Couillard qu’à demander aux Québécoises de porter le hidjab ! Ou même la burqa, habitué qu’il était à fréquenter les Saoudiennes qui le portent par obligation.

 

God.pierre@videotron.ca

 

 

Publié par : paysdesmasques | jeudi, 17 septembre 2015

Mulcair et son double ou pourquoi ne pas voter NPD

 

par Pierre Godin

Disons-le carrément, les « choses sérieuses » emmerdent royalement notre génération ludique. La révolte des classes moyennes et populaires mondiales plongées dans la panade contre les riches de plus en plus riches? Pas son problème… Les prédateurs de la finance qui s’amusent à chiper les économies de leurs clients pour les laisser tout nus dans la rue? Pas son problème non plus… Les jeunes Québécois ne veulent pas de chicane, pas d’idée dérangeante, pas de débat. Ils ne se voient pas comme une génération de « diviseurs », mais de « rassembleurs » — de quoi? Ils ne sauraient le dire clairement.

Les « choses sérieuses »? Ça se résume chez eux à avoir du fun. Comme si la vie n’était qu’un « immense festival », pour citer une Lise Payette indignée : « Il y a quelque chose d’indécent dans ce besoin de rire effréné qui n’a plus rien de spontané et qui nous donne parfois l’allure de malades mentaux… » Les « choses sérieuses »? C’est aussi le hockey, seul sujet sur lequel ils peuvent clavarder durant des heures. Au Forum ou au Centre Bell, ils encouragent les hockeyeurs du Canadien en scandant à se fendre l’âme « Go Habs, go » dans une autre langue que la leur, celle de « leur » club de hockey favori, l’anglais.

Les sondages sont unanimes, les jeunes Québécois refusent toute étiquette politique. Ni indépendantistes, ni fédéralistes, ni de gauche, ni de droite, ni conservateurs, ni rebelles. Rien. Près de 40 % des répondants au sondage de la maison Crop de 2011 refusaient de cocher les cases les identifiant comme indépendantistes, fédéralistes, nationalistes ou autonomistes. Ils ont plutôt choisi la catégorie « aucune ». Autrement dit, pour la non-inexistence bêtement assumée, pour le refus global des étiquettes et de l’histoire associée à une étiquette!

Visiblement, ils sont privés d’une lecture historique réaliste sur eux-mêmes que l’école et les médias se gardent bien de leur dispenser. Pourquoi s’étonner alors de leurs votes, tantôt de droite, tantôt de gauche? Une fois pour les péquistes qui veulent leur bien, une autre fois pour les libéraux qui veulent leur bien. Et même pour les caquistes de François Legault, peu importe le simplisme de leur fonds de commerce politique.

Bref, une génération à l’écoute des démagos et de ceux qui crient le plus fort. En cette période électorale, c’est l’inconsistant chef du NPD, Thomas Mulcair, qui crie le plus fort avec la sympathie évidente de nos journalistes pas trop perturbés par son double discours et ses volte-face contraires aux intérêts des Québécois dans certains grands dossiers.

Comment alors ne pas s’inquiéter, le 19 octobre prochain, du vote particulièrement erratique des Québécois depuis quelques années? Vont-ils gober le mot d’ordre soi-disant stratégique propagé par les gérants d’estrade des médias et des syndicats suivant lequel il faut voter NPD pour se débarrasser des conservateurs de Stephen Harper? Intoxiqués par leur presse aussi complaisante envers « Tom » qu’envers son prédécesseur, le bien-aimé et regretté « Uncle Jack », les Québécois se font une fausse idée de l’homme censé défendre leurs intérêts à Ottawa mieux que le Bloc québécois de Gilles Duceppe.

Petit rappel chronologique. Sur l’homme, d’abord. Après avoir été conseiller juridique d’Alliance-Québec, lobby anglophone viscéralement opposé à la Charte de la langue française (loi 101) adoptée par René Lévesque durant les années 70, loi qu’il a combattue avec une démagogie sans pareil, Thomas Mulcair récidive sous le gouvernement de Pauline Marois en s’opposant à la charte de la laïcité. Avec un sang-gêne incroyable, il annonce à l’avance qu’il puisera dans les coffres du NPD pour appuyer les éventuelles poursuites contre la charte, noyautées en sous-main par la mouvance islamiste à l’œuvre actuellement dans la province, sous le nez de nos candides journalistes et politiciens. Cette posture éclaire ses tergiversations actuelles autour du port du niqab. Entre son électorat multiculturel des provinces anglaises, moins hostile au voile islamique que son électorat québécois, lequel choisira-t-il ?

Quoi qu’il en soit, en 2003, notre homme se retrouve en politique provinciale sous Jean Charest avec lequel il rompt trois ans plus tard sur une question environnementale. L’année d’avant, en 2005 plus précisément, il est condamné à verser 95 000 $ à l’ancien ministre péquiste Yves Duhaime pour atteinte à sa réputation. Mulcair avait insinué faussement que Duhaime s’était rendu coupable de trafic d’influence en agissant comme lobbyiste pour des marchands de Métro auprès du gouvernement Landry. Invités à une émission à l’ancien réseau TQS, les deux hommes s’étaient apostrophés à la sortie du studio. « J’ai hâte de te voir en prison, vieille plotte», avait alors lancé Thomas Mulcair. Les deux hommes s’étaient retrouvés devant le juge André Denis qui avait condamné l’insulteur à payer 75 000 $ en dommages moraux et 20 000 $ en dommages exemplaires à Yves Duhaime.

Bagarreur jusqu’à la vulgarité, mais aussi très opportuniste. Avant d’opter au final pour le NPD dirigé alors par Jack Layton, Thomas Mulcair est d’abord allé offrir ses services aux conservateurs et libéraux fédéraux. En 2010, alors qu’il est chef adjoint du NPD, la police anticorruption le questionne au sujet d’un pot-de-vin que le maire de Laval lui aurait versé, mais qu’il jure n’avoir jamais accepté.

À l’automne 2009, une manchette sensationnelle dans les médias écrits et parlés de la province : « Les écoliers allophones pourront s’acheter le droit d’étudier en anglais. » Le juge Louis LeBel de la Cour suprême invalide la loi 104 qui interdisait les dévastatrices écoles passerelles ouvrant la porte à l’anglicisation des immigrés. Un jugement discriminatoire qui crée deux classes de citoyens. Après avoir mis leurs mômes à l’école privée anglaise payante, le temps qu’ils absorbent quelques rudiments d’anglais, les immigrés riches pourront ensuite les inscrire à l’école anglaise gratuite. En revanche, les enfants des immigrés pauvres seront condamnés à l’école publique française…

Un véritable coup de tonnerre qui risque de fragiliser l’avenir du français, car les francophones qui désirent « switcher » à l’école anglaise, convaincus en bons défaitistes que leur langue n’a pas d’utilité qui vaille pour réussir dans la vie, pourront eux aussi envoyer leurs mômes à l’école anglaise.

Que fera Jean Charest? Invoquera-t-il la clause dérogatoire pour contester le jugement de la Cour suprême? Ce serait rêver en couleur. Il dépose plutôt la loi 103 qui légalise l’école passerelle pour les riches allophones et francophones, en violation flagrante de la loi 101 et de la loi 104, invalidée du même coup. Et Thomas Mulcair, que dit-il, lui? Alors député fédéral d’Outremont et chef adjoint du NPD, il tonne : « C’est une erreur monumentale, cette loi 103. Il y aura un très gros prix à payer pour ce gouvernement qui ne comprend pas l’importance de protéger le français. »

À la ministre de l’Éducation Michelle Courchesne qui laisse tomber qu’il ne faut pas en faire tout un drame, que c’est juste quelques élèves allophones qui pourront aller à l’école passerelle grâce à leur mononcle riche, Thomas Mulcair rétorque : « C’est faux, plusieurs milliers d’élèves allophones et francophones sont déjà passés au réseau anglais! Et avant que Bernard Landry ne fasse voter la loi 104 pour interdire l’école passerelle, en 2002, le nombre d’élèves allophones passés au secteur scolaire anglais se chiffrait déjà à plus de 4 000… »

Belle envolée qui confond ses critiques bloquistes et péquistes. Mais le caméléon Mulcair leur réservait toute une surprise. Après s’être associé à une coalition syndicale qui exige du gouvernement Charest qu’il recoure à la clause dérogatoire, clause taboue au Canada anglais, pour bloquer l’école passerelle, le député fédéral d’Outremont fait marche arrière une fois de retour à Ottawa. « La signature du NPD au bas de la pétition était une erreur », bégaye-t-il. Difficile de servir deux maîtres à la fois, les anglos et les francos, dans le Canada chimérique de Thomas Mulcair.

Au printemps 2011, Stephen Harper pilonne sans vergogne la compétence constitutionnelle des provinces en matière d’énergie. Alors qu’Ottawa a déboursé des sommes faramineuses pour développer l’énergie nucléaire en Ontario, jamais il n’a versé un sou noir pour mettre en valeur les milliards de kilowatts de la Manic et de la baie James. Stephen Harper poursuit la tradition. Il met 4 $ milliards sur la table pour développer l’hydro-électricité des chutes Churchill, à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse. Il annonce qu’Ottawa garantira le prêt de 4 $ milliards que Terre-Neuve devra contracter pour réaliser son projet évalué maintenant à plus de 6,2 $ milliards. Un avantage financier énorme qui permettra à Terre-Neuve d’économiser sur 30 ans un milliard de dollars et d’emprunter à des taux identiques à ceux du gouvernement fédéral, beaucoup plus bas que ceux d’Hydro-Québec.

Cette concurrence déloyale fait bouillir de colère Jean Charest. Ce qui l’ulcère, c’est que Terre-Neuve pourra vendre son électricité moins cher que celle d’Hydro-Québec. « Le gouvernement fédéral change les règles du jeu, accuse-t-il. Nous n’acceptons pas qu’il s’immisce dans la production et la transmission d’électricité. Québec a développé seul son réseau, Hydro-Québec a financé seule ses activités et les provinces ont toujours payé elles-mêmes les réseaux qui les relient… »

C’est l’union sacrée à l’Assemblée nationale où les députés de toute couleur adoptent à l’unanimité une motion pour condamner l’initiative des conservateurs fédéraux. Mais au parlement d’Ottawa, les avis sont partagés. Gilles Duceppe, chef du Bloc québécois, tombe à bras raccourcis sur Stephen Harper : « On a payé ça tout seul, Hydro-Québec. Et tout d’un coup, avec notre propre argent, on va venir nous concurrencer? Ça n’a pas de bon sens… » Mais ô surprise, l’inconsistant chef adjoint du NPD, Thomas Mulcair, applaudit à deux mains la manœuvre des conservateurs en invoquant un argument qui frise l’alibi  :

« Cela fait huit ans que je me bats pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cela fait huit ans que je me bats pour une vision pour de l’énergie propre et renouvelable. Je vais être conséquent avec moi-même. Je suis favorable à la réalisation d’un projet hydroélectrique dans ces conditions-là. » Pirouette qui fait dire à Gilles Duceppe : « Pour un parti qui prétend être à l’écoute des Québécois, c’est plutôt raté… »

À l’automne 2011, débat houleux autour de la nomination d’un juge unilingue anglais à la Cour suprême censée rendre la justice dans « nos deux langues nationales », comme aime dire Stephen Harper, qui ne cesse de rabâcher : « C’est mon devoir de protéger le français ». Pourtant, il refuse mordicus d’exiger que le candidat à la plus haute magistrature d’un pays officiellement bilingue le soit, bilingue.

Même s’il lui arrive d’adorer en même temps dieu et diable, selon qu’il pérore à l’autre bout du pays ou au Québec, Thomas Mulcair, lui-même plus que bilingue, pose néanmoins la question qui tue au chef conservateur : les juges de la Cour suprême ne devraient-ils pas être tous bilingues? N’attendant pas de réponse, il dépose aux Communes le projet de loi C-232 qui a de quoi réjouir son caucus québécois. Le projet Mulcair stipule que les futurs juges de la Cour suprême devraient être obligatoirement bilingues.

Après avoir dansé sur un pied et sur l’autre, Stephen Harper conclut : l’exigence du bilinguisme ne vaut pas pour la Cour suprême. Pourquoi? « C’est différent, explique-t-il. Seul le juge en chef doit être bilingue, comme le premier ministre du Canada, mais tous les juges n’ont pas à être bilingues. » Pour le prouver, il y fait entrer l’unilingue Michael Moldaver, juge de la Cour d’appel de l’Ontario. Sa désignation provoque de gros remous au Québec. Du PQ de Pauline Marois au Barreau du Québec, en passant par le Bloc québécois, le rejet de la nomination de l’unilingue Michael Moldaver fait l’unanimité.

Pas à Ottawa. À leur congrès annuel, les libéraux fédéraux se rangent aux côtés de Stephen Harper. Reste à voir si l’imprévisible Mulcair se tirera encore une fois dans le pied. On peut penser que non, au vu de son projet de loi C-232 exigeant que les juges de la Cour suprême soient bilingues. Pourtant, le politicien chouchou des Québécois tourne sa veste. Dopés par leurs journalistes d’une complaisance rare envers le successeur de Jack Layton, les Québécois découvrent cette fois encore le vrai visage de l’homme qui se pose en rival de Gilles Duceppe dans la défense de leurs droits et intérêts à Ottawa. Thomas Mulcair se fait le complice des conservateurs. Il finit par baisser les bras devant la désignation du juge unilingue Michael Moldaver, bel et bien nommé.

Les péquistes ne sont pas les seuls à cravacher les incohérences de Thomas Mulcair. Françoise David, cochef de Québec solidaire, se dit « très très déçue » du NPD. On comprend ses trémolos. Aux dernières élections fédérales, toute souverainiste qu’elle prétend être, elle a snobé le Bloc, parti frère fédéral de Gilles Duceppe, et appuyé le NPD, parti le plus centralisateur, le plus Canadian et le moins souverainiste possible, que Thomas Mulcair présente toujours comme « un rempart contre la montée de l’option souverainiste au Québec ».

Traquée par les journalistes qui veulent savoir si c’est vrai qu’elle a voté pour le NPD au lieu du Bloc, parti frère de Québec solidaire, elle ne le nie pas, mais tente de s’en tirer par une pirouette plutôt bizarre : « C’est comme le secret de la Cadbury! Ça me regarde… » Amir Kadir, son alter ego à Québec solidaire, n’en fait pas mystère, lui. Il avoue franchement avoir donné son vote à la néo-démocrate Hélène Laverdière plutôt qu’à Gilles Duceppe, tous deux candidats dans Laurier-Sainte-Marie. Chose certaine, la « solidarité » ne semble pas étouffer ces deux « électrons libres » de la politique québécoise.

À l’automne 2011 toujours, on a droit au « classique » du genre, sans cesse évoqué par Gilles Duceppe pour dénoncer le double jeu de son rival Mulcair. Il s’agit des fameux contrats militaires fédéraux de 33 $ milliards qui sont passés sous le nez du chantier maritime québécois de la Davie, à Lévis, sans que Thomas Mulcair fasse une crise d’apoplexie. Loin de là, comme nous allons le voir.

À Lévis, existe depuis aussi loin que 1825 le plus important chantier naval du Canada, la Davie, qui a construit plus de 700 bâtiments commerciaux et militaires. Comme de raison, le Québec attend sa juste part des contrats militaires que le gouvernement Harper s’apprête à octroyer. Le gâteau, la Davie doit en principe le partager avec les chantiers de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie-Britannique. Rien de plus normal pour autant qu’Ottawa, tel un Salomon, le partage en parts égales entre les trois grands chantiers du pays.

Allons-y voir. Claudette Charbonneau, présidente de la CSN, redoute que le chantier québécois soit évincé des contrats fédéraux. Elle crie au loup au nom des 1 600 ouvriers de la Davie qu’elle représente. Les faits lui donnent raison. Manchette de presse du 20 octobre 2011 qui fait tout un foin : « Chantier Davie est écarté des contrats des navires fédéraux. » Le « loup » est bien réel et il s’appelle Stephen Harper. Ses contrats d’une valeur de 33 $ milliards vont en entier au chantier maritime de Vancouver et au chantier Irving d’Halifax. Au diable Lévis!

Au PQ, Bernard Drainville, porte-parole de son parti pour les relations avec Ottawa, se vide le cœur : « Le Québec est en train d’en manger toute une, ces temps-ci, gracieuseté du gouvernement canadien… » Mais au NPD, c’est le cafouillis total. Thomas Mulcair, devenu chef par intérim depuis la mort de Jack Layton, en août, s’efforce de courtiser le ROC en vue d’y accroître son électorat. Au Québec, sa province d’origine, il n’a pas à prendre de précautions, son parti ayant fait le plein de ses voix en faisant élire 59 députés sur 75. Un véritable tsunami qui a permis au NPD de former l’Opposition officielle aux Communes. Merci Québec!

N’empêche qu’aujourd’hui, l’ingrat Mulcair choisit de jouer la carte du Rest of Canada, vu qu’au Québec, ses arrières sont assurés. S’il compte monter plus haut, il doit conquérir le vote anglo-canadien. « On sable le champagne au NPD », rapportent les médias québécois. Le député Peter Stoffer, porte-parole du parti en matière de construction navale, ose même couiner haut et fort sans se faire rabrouer par son chef Mulcair : « Il s’agit d’un grand jour pour le Canada! » Non, mais quelle gifle retentissante assenée aux 59 députés néo-démocrates du Québec qui restent muets comme des carpes. En vérité, c’est plutôt un grand jour… noir pour leur province. Il faut donc conclure que dans la tête du député Stoffer et de son chef Mulcair, le Québec ne fait pas partie de leur Canada en fête!

Le NPD de Thomas Mulcair endosse donc les yeux fermés une politique qui discrimine le chantier naval québécois et prive de jobs plus de 1 600 travailleurs. Il reste les miettes, Ottawa en trouve toujours pour le Québec. « Une nouvelle chance pour Davie », titre béatement La Presse, comme si sa journaliste Marie Tison annonçait une grosse et bonne nouvelle à ses lecteurs pour compenser la perte des faramineux contrats militaires de 33 $ milliards de dollars.

Quelle est-elle, cette « chance » qui échoit à la Davie? Rien d’autre que les rogatons de la ripaille servie par Ottawa aux chantiers maritimes d’Halifax et de Vancouver. Après avoir octroyé à ces derniers la construction de 15 frégates et contre-torpilleurs, d’un brise-glace, d’une demi-douzaine de patrouilleurs, des ravitailleurs pour les troupes et de trois grands bâtiments de soutien pour la marine, Harper destine au chantier Davie la construction, ô combien modeste, des petits navires de la garde-côtière canadienne…

À l’automne 2012, un an après avoir sablé le champagne au sujet des contrats militaires qui ont échappé au Québec, Thomas Mulcair s’englue cette fois dans les sables bitumineux albertains. Projet du siècle de la compagnie Trans-Canada qui veut transporter le pétrole sale de l’Alberta par pipeline sur la côte ouest du pays et sur la côte atlantique. Mais pour cela, il faut traverser la Colombie-Britannique et le Québec. Vive opposition citoyenne là-bas comme ici.

En Colombie-Britannique, c’est une autre partie qui se joue. L’oléoduc Northern Gateway projeté par Enbridge pour acheminer le pétrole albertain jusqu’au Pacifique en traversant cette province de bord en bord fait face à une levée de boucliers, non seulement de la part des écolos, mais aussi et surtout du gouvernement de Victoria. Sa première ministre Christy Clark le trouve inacceptable, à l’instar du président Obama opposé, lui, à un autre pipeline de Trans-Canada, le pipeline Keystone qui filerait d’Edmonton jusqu’au Texas.

Pour les Américains et les citoyens de la Colombie-Britannique, les risques environnementaux sont trop énormes. De plus, les 13 000 emplois fantômes promis par Trans-Canada durant la construction et les 118 000 autres qui suivraient sous forme de retombées diverses s’envolent en fumée sous les coups de boutoir des experts. Durant la phase de construction de l’oléoduc, on créerait tout au plus 2 000 emplois et par la suite… de 50 à 100. Aux États-Unis comme ici.

Contre toute attente, Thomas Mulcair donne son appui au pipeline Énergie Est qui est plein de bon sens, dit-il, même s’il traversera des milliers de kilomètres sur le sol québécois, avec les risques de déversements toxiques avant de terminer sa course au Nouveau-Brunswick. Du même souffle, l’imprévisible Mulcair s’allie aux écolos de la Colombie-Britannique pour combattre le pipeline Northern Gateway qui, lui, n’est pas bon comme celui d’Énergie Est. Deux poids deux mesures?

Le Globe and Mail cerne bien les contradictions du chef du NPD : « Le député fédéral, qui s’est vivement opposé au pipeline Northern Gateway sur la côte du Pacifique, donne maintenant son « full support » au pipeline Énergie Est… » Et le philosophe québécois Michel Seymour, qui s’intéresse à la question, d’en rajouter dans un article qu’il intitule Le pipeline du déshonneur : « Quand le chef du NPD dit que le projet d’Énergie est «sensé», je suis plus qu’inquiet. Quel est l’argument pour dire que c’est sensé? Selon Thomas Mulcair, ce serait mieux que le train, mais aussi mieux que les superpétroliers. Un instant! Je ne vois pas comment on peut rejeter le projet Northern Gateway et trouver sensé le projet d’Énergie Est. Le Québec court après tout les mêmes risques que la Colombie-Britannique… » C’est là un autre bel exemple de la duplicité du chef du NPD, très rigoureux et très exigeant dès qu’il s’adresse à l’opinion anglo-canadienne, mais d’un laxisme et d’un décousu déconcertants quand ce sont les intérêts du Québec qui sont menacés, comme si ça n’avait pas d’importance.

Voilà qui devrait faire réfléchir à deux fois ces naïfs et bonasses Québécois qui, selon les sondages, s’apprêtent à voter à l’aveuglette pour le NPD de Thomas Mulcair. Rien d’étonnant. Après tout, ce sont ces mêmes Québécois qui ont réélu à l’aveuglette aussi un gouvernement libéral corrompu qui les avait escroqués durant dix ans. Les travaux de la commission Charbonneau sur la corruption politique sont là pour le prouver.

 

 

 

 

 

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Publié par : paysdesmasques | mercredi, 8 avril 2015

Le PQ, un parti fantôme? Et si le prophète de malheur Parizeau avait raison…

 

par Pierre Godin

 

« Bonne continuation… de course à la chefferie, les gamins! » Ce sobriquet pas très gentil m’est venu à l’esprit quand j’ai reçu un énième courriel de la lucide et vaillante équipe du Parti québécois qui supervise l’opération. Celle-là même, sans doute, qui a coulé Pauline Marois avec une campagne électorale si erratique que les mauvaises langues chuchotaient qu’elle avait été concoctée par les libéraux…

« En vue des débats, envoyez-nous vos questions! » suggérait la vaillante équipe, comme si elle était en panne d’idées pour le prochain débat entre les candidats, le 16 avril. En passant, où en est-on exactement dans les palabres? Y en reste-t-y encore beaucoup, des débats, avant d’avoir enfin un chef? Les seuls qui ne semblent pas réaliser qu’il y a urgence, ce sont nos angéliques de la vaillante équipe qui ont décidé de faire durer le plaisir le plus longtemps possible. Le temps que les banquiers anglicisés et cupides qui entourent Couillard, laissés depuis des mois sans adversaire valable, continuent de briser méthodiquement le cœur et les reins du Québec français historique.

Écœuré comme bien d’autres par cette course qui n’en finit plus, ma réponse à la question était toute prête : la meilleure idée que je pourrais vous suggérer, messieurs dames, c’est d’en finir au plus sacrant avec vos débats sur le sexe des anges — comme la date du foutu référendum — qui n’intéressent personne. Autre exemple, le thème palpitant du prochain débat : « indépendance et parti »…

Je me suis laissé dire aussi, mais j’espère que je me trompe, que vous songiez à prolonger la course jusqu’en… 2023. J’avoue cependant que je ne serais pas tant surpris que ça. Car j’ai encore en tête l’aberrante feuille de route dévoilée par le président du PQ, Raymond Archambault, après le départ de Pauline Marois. « Avant de désigner un nouveau chef, pontifia-t-il le plus sérieusement du monde, il faudra d’abord tenir un congrès d’orientation pour adopter un programme. Or ce congrès ne se tiendra pas avant… 2016. » Pas pressé, le monsieur ! Priver le PQ de leader durant deux longues années, soit la moitié du mandat de Philippe Couillard! Sans doute ignorait-il que la politique a horreur du vide.

Bon, heureusement, notre vaillante et lucide équipe a bousculé un peu son calendrier, mais pas suffisamment à mon goût. Rappelons les faits : battue aux élections du 7 avril 2014, Pauline Marois est rentrée sous sa tente le jour même. Or, un an plus tard, le PQ n’a toujours pas de chef. Incroyable, mais vrai! Les libéraux et leurs petits copains des médias, dont ceux de La Presse et de Radio-Canada particulièrement, se bidonnent. Dans leur for intérieur, ils adressent un gros gros merci à monsieur Archambault et Consorts. Par leur aveuglement angélique, ceux-ci confirment la boutade voulant qu’au pays du Québec, les péquistes soient les enfants de choeur et les libéraux, les enfants de chienne. Soit dit en passant, les libéraux le sont bien malgré eux, dans notre cas de figure. En effet, ils n’auraient même pas eu besoin de multiplier les coups tordus, comme ils savent si bien le faire, le PQ s’occupant lui-même de s’autotrucider.

On l’a tous compris, l’idée de la lucide et vaillante équipe du Parti québécois était de faire traîner les choses pendant une année ou deux, dans l’espoir de barrer la route à PKP. Le seul des candidats actuels capable de remettre sur ses rails le parti dont ils ont fait un « champ de ruines », pour citer le messager des mauvaises nouvelles, Jacques Parizeau, qui a été le premier à le creuser en abandonnant le navire au référendum de 1995. PKP, le seul candidat capable aussi de raviver la flamme de l’indépendance, en plus de rapprocher le PQ du pouvoir. Ça crève les yeux, libéraux, caquistes et fédéralistes de toute mouture se lèvent la nuit pour le haïr.

L’évidence est là : s’il veut faire mentir le prophète de malheur Parizeau qui le ravale à un parti fantôme, le PQ doit opposer aux Couillard et Legault un poids lourd qui a l’étoffe d’un chef et une feuille de route impressionnante. C’est le cas de Pierre Karl Péladeau, qu’on l’aime ou pas. Et non celui des poids plume comme Alexandre Cloutier ou Bernard Drainville qui possèdent certes d’immenses qualités, mais n’ont pas la stature pour se colleter à Couillard. Dans la présente et interminable course, le choix des militants péquistes se résume à ceci : élire comme chef un Drainville ou un Cloutier, c’est maintenir les libéraux en poste pour un autre mandat, peut-être même deux. Alors qu’avec PKP, plébiscité d’avance par la population, c’est se donner le maximum de chance de reconquérir le « divin pouvoir » avec tout ce qui vient avec, y compris l’indépendance.

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Publié par : paysdesmasques | mercredi, 22 octobre 2014

« La caverne aux voleurs »

 

par Pierre Godin

Il est presque gênant d’être gouvernés par ces Crésus de la médecine politique que sont Philippe Couillard, Yves Bolduc et Gaétan Barrette. D’autant plus qu’ils ont lancé une attaque en règle contre les classes moyennes et populaires, à qui ils imposent des coupures brutales et antisociales absolument injustifiées sous la pression des banquiers et au nom d’une lutte implacable à l’austérité et au déficit. Comme si le Québec était la Grèce! Pourtant d’autres pays, comme les États-Unis, laissent filer leur déficit et refusent les politiques d’austérité, pour ne pas gêner la croissance économique.

Cet éminent spécialiste de la guillotine qu’est, paraît-il, le premier ministre Couillard, ne cache pas son grand dessein : couper la tête du modèle québécois parce que trop « social », trop avantageux pour les gagnepetits et les démunis, pas assez « payant » pour l’État, comme a osé affirmer le ministre de l’Économie Jacques Daoust. Pour « leur » État, devrais-je dire. Ne nous y trompons pas, les coupures au sécateur du gouvernement Couillard — retraite, garderie, santé, insertion sociale, congé parental, bibliothèques scolaires, aide à l’emploi aux démunis, enseignement, fonction publique, etc. — épargnent les nantis et visent à réorienter le butin de la nation vers les gagne-gros, cette bourgeoisie cupide et prédatrice qui n’en a jamais assez. La montée criante des inégalités entre riches et pauvres en est la preuve. Chez nous, le 1% des Québécois les plus riches gagne plus que la moitié de la population la moins bien nantie.

Comment expliquer dès lors que les Québécois ont réélu un parti qui, sous Jean Charest, les avait littéralement escroqués ? Ils ne pouvaient plaider l’ignorance, car les travaux très médiatisés de la commission Charbonneau sur l’ampleur de la corruption politique leur avaient donné l’heure juste. Le mystère reste entier. On peut faire toutes les hypothèses qu’on voudra, il restera toujours un élément d’incompréhension.

On peut par exemple soutenir que ce n’est pas Couillard qui a battu Pauline Marois, mais elle-même qui s’est battue avec l’aide empressée de ses « lucides » conseillers péquistes… Ou encore prétendre que si les électeurs se sont fourvoyés, c’est la faute aux médias et journalistes. À la remorque du discours libéral et caquiste, ceux-ci ont faussé les enjeux réels en montant en épingle des niaiseries. Comme le fameux « deal » FTQ Construction/Claude Blanchet ( le mari de Marois ), qui n’a jamais existé, mais qui vissait dans la tête des électeurs l’idée sournoise que la chef du PQ n’était pas si « clean » que ça, après tout. Ou encore le fameux poing en l’air de PKP répété ad nauseam d’un reportage de La Presse et du Devoir à l’autre, ou d’un bulletin d’info de Radio-Canada à l’autre, pour faire peur aux bonnes gens et discréditer le candidat du PQ dans Saint-Jérôme.

Quoi qu’il en soit, réélire un gouvernement qui puait le rance était, bien sûr, une erreur de jugement historique. Le plus choquant, c’est que les effets secondaires troublants de ce choix collectif se perpétuent sous le gouvernement de Philippe Couillard, l’un des trois médecins ministres, avec Gaétan Barrette et Yves Bolduc, à pratiquer une éthique plutôt gélatineuse sans même éprouver le besoin de s’en excuser.

Comme si abuser du bien public faisait partie de la conception de la vie politique d’un Yves Bolduc, accusé d’avoir fait un coup d’argent en touchant comme médecin une prime de 215 000 $ à laquelle il n’avait pas droit, alors qu’il était déjà rémunéré comme député de l’Opposition libérale. Ou d’un Gaétan Barrette qui a encaissé sans état d’âme une importante cagnotte de 1,2 $ million, cadeau de remerciement de la Fédération des médecins spécialistes. Juste avant de plonger en politique, alors qu’il dirigeait la FMS, Barrette avait négocié des hausses salariales faramineuses pour lui-même et ses confrères médecins. Depuis, comme ministre de la Santé, il continue toujours de négocier avec les médecins, mais de l’autre côté de la table. Juge et partie, comment on appelle ça ? En conflit d’intérêts, Gaétan Barrette ? Mais non, mais non, voyons…

En tout cas, il est difficile d’imaginer à nos trois ministres médecins une parenté avec René Lévesque, ce héros mythique des Québécois qui croyait qu’on pouvait faire de la politique et être, ou rester, honnête. À une autre époque, ou dans une société plus exigeante en matière de moralité publique, ces trois lascars de la « caverne aux voleurs », comme disait naguère Duplessis du gouvernement libéral d’Alexandre Taschereau, aussi corrompu que celui de l’ère Charest-Couillard, seraient cloués au pilori par une presse indignée qui n’exigerait rien de moins que leur tête.

Et c’est tout à l’honneur de Claude Castonguay, ex-ministre libéral, d’avoir réclamé la démission de Bolduc, et d’avoir remis à sa place le « grossier personnage » Barrette. Il aurait pu inclure sur sa liste d’indésirables, le bon docteur Couillard accusé, lui, d’avoir pratiqué l’évasion fiscale alors qu’il exerçait la médecine sous la pire tyrannie islamiste de la planète, l’Arabie saoudite, qui impose le voile intégral aux femmes qui n’ont même pas le droit de conduire une automobile.

Enfin, il faut bien le dire, il était à la fois comique et éloquent de constater récemment que Martin Coiteux, l’un des piliers économiques de notre gouvernement des Trois/Trois — trois médecins/trois banquiers — a été incapable de répondre quand un journaliste lui a demandé si son gouvernement allait exiger aussi des sacrifices aux riches. Et tout aussi instructif de voir la rangée de gros bras de la police protéger le même monsieur qui blablatait récemment en compagnie de ses frères d’armes des Chambres de commerce et autres chasseurs de contrats publics, au centre-ville de Montréal.

Retenons les leçons de l’histoire. Quand des gens élus pour soi-disant servir l’intérêt général sont obligés d’être protégés par des baraqués armés lorsqu’ils sortent en ville, il n’y a pas de doute : la révolte populaire contre l’injustice gonfle dans la marmite sociale. Avis à nos trois bons docteurs Couillard, Barrette et Bolduc, et à leurs trois banquiers, les Leitao, Daoust et Coiteux : ne réveillez pas le lion qui dort, il pourrait vous dévorer…

 

God.pierre @ videotron.ca

 

Publié par : paysdesmasques | lundi, 9 juin 2014

Survie du PQ : un chef au plus vite !

 

par Pierre Godin

 

« Vous êtes à terre! » m’a lancé l’autre jour une passante, libérale assurément, alors que je sortais du siège social de la SSJB, belle-mère montréalaise des « mécréants » souverainistes de la province. Du haut du balcon, histoire de rigoler un peu, l’un de ces mécréants barbus avait levé le bras en l’air, comme PKP, en scandant d’une voix de stentor : « Libération! » Il fallait bien que je lui crie « D’accord, mon vieux! », même si je trouvais qu’il forçait la dose. Surtout après la cuisante défaite péquiste d’avril dernier…

La provocatrice qui passait par là avait sans doute saisi l’ironie de la situation. De là son cri du cœur, que je ne pouvais laisser sans réplique. « On va se relever, et plus vite que vous le pensez, madame! » Son copain qu’elle tenait amoureusement par la taille s’est retourné vers moi en pouffant de rire, comme si j’avais déconné. Là encore, je ne pouvais laisser faire : « Au moins, nous, on n’est pas des voleurs comme vos amis libéraux! » Ça leur a coupé le sifflet à tous les deux… Ils ont décampé.

Il n’empêche, la barbeuse libérale avait raison : le PQ est bel et bien à terre! Et il le restera s’il ne se donne pas au plus sacrant un nouveau chef solide et crédible, capable de le remettre debout. Mais les enfants de chœur qui dirigent actuellement ce parti ne semblent pas pressés de lancer la course au leadership, ne l’envisageant pas avant 2015 ou, pis, 2016. Quelle erreur impardonnable! Une de plus. Ils se traînent les pieds pendant que les blogueurs conservateurs, depuis La Presse jusqu’à Radio-Canada, en passant par Le Devoir, enterrent le PQ ( trop vite, comme d’habitude ), plébiscitant ( trop vite, là aussi ) le populiste de droite François Legault et ses utopies simplettes.

Je n’en suis pas encore revenu d’avoir entendu le président du PQ, Raymond Archambault, l’un des responsables de la déroute d’avril dernier avec les autres conseillers proches de la première ministre, affirmer sans douter un seul instant de la justesse de son analyse : « Avant de désigner un nouveau chef, il faudra d’abord tenir un congrès d’orientation pour adopter un programme. Or ce congrès ne se tiendra pas avant… 2016. » Conclusion : ce n’est pas demain qu’on saura qui succédera à Pauline Marois.

La politique, c’est bien connu, a horreur du vide.

Vous imaginez les péquistes sans chef durant les deux prochaines années, avec un Couillard triomphal et, sur leurs talons, le transfuge Legault habité par une idée fixe : les rayer de la mappe ? Ne serait-ce que pour démontrer à ses nouveaux fidèles caquistes qu’il a eu raison de trahir ses anciens compagnons d’armes? Vu que ces ineptes déconnectés de la réalité, comme ils l’ont prouvé encore une fois durant la campagne électorale d’avril, lui ont préféré comme chef une twit comme Pauline Marois. Si rien ne bouge, ce sera lui, le véritable chef de l’Opposition en attendant que les péquistes se décident à se brancher. Il y aura bien sûr Stéphane Bédard, le chef transitoire, pour parler au nom du PQ, mais celui-ci ne disposera toujours que de l’autorité et de la crédibilité d’un chef sans couronne.

Imaginez! Pour donner la réplique durant deux longues années aux Legault, Couillard et David, un Lisée et un Drainville plombés par leurs faux pas ou encore un Nicolas Marceau ni convaincant ni incisif, comme on l’a noté lors de sa réplique au budget libéral. Un bon gars, ce Nicolas. N’empêche que malgré ses beaux yeux bleus qui envoûtent Lise Payette, il ne pèse pas lourd devant les trois barons libéraux de l’économie, les Lettao, Coiteux et Daoust qui ont démoli son « faux budget » d’avant les élections avec, il est vrai, la complicité du vérificateur général. Il y aurait bien un dénommé PKP qui pourrait engager un bras de fer avec eux et leur donner le change, mais, depuis l’épisode du poing en l’air, les ( mauvais ) stratèges du PQ semblent l’avoir tabletté. Malheureusement, Raymond Archambault n’est pas le seul à se planter. Jean-François Lisée, qui a ses petites ambitions, a intérêt à faire durer le plaisir pour redorer son étoile ternie par ses couacs gouvernementaux et électoraux. Comme son collègue Bernard Drainville, pour faire oublier sa charte de la laïcité qui a stoppé net son ascension. Et Véronique Hivon, pour se donner le temps de nous prouver qu’elle n’est pas une autre Pauline Marois. Elle, au moins, a réussi à faire adopter sa « charte » sur l’aide médicale à mourir dans ladignité. Un plus.

On l’a tous compris, l’idée est de faire traîner les choses pendant une année ou deux dans l’espoir de barrer la route à PKP, le seul des candidats actuels capable de remettre sur ses rails le parti et la cause. Ça crève les yeux de tout le monde sauf, semble-t-il, ceux de la fratrie péquiste : il faut opposer aux Couillard et Legault un poids lourd qui a l’étoffe d’un chef et une feuille de route impressionnante. Qu’on l’aime ou pas, c’est le cas de Pierre Karl Péladeau. Du sang neuf pour un parti exsangue dont il s’est tenu loin au cours des 20 ou 25 dernières années. Pendant que les péquistes se chicanaient sur le sexe des anges et brûlaient leur leader un après l’autre, lui, il bâtissait l’un des plus puissants empires financiers et médiatiques du pays.

Mais, comme le dit le sage, il ne faut jamais sous-estimer l’imbécilité naturelle des gens. Aussi, outre les aspirations légitimes, bien que prématurées ou inopportunes, des Lisée, Drainville et cie, on peut encore compter sur la gauche de la gauche du PQ pour administrer une bonne volée à « l’antisyndicaliste » PKP, comme le prédit déjà l’ex-président de la CSN, Marc Laviolette, l’éternel mouche du coche péquiste. Dut-on pour ce faire signer l’arrêt de mort du parti de l’indépendance fondé par René Lévesque qui, j’en suis sûr, donnerait sa bénédiction à PKP. Il l’avait donnée au père, Pierre Péladeau, fondateur du Journal de Montréal et du Journal de Québec, en acceptant d’y tenir une chronique politique, malgré la réputation sulfureuse qu’on faisait à Péladeau en certains quartiers.

Comme aujourd’hui à son fils taxé sans nuance de patron de presse férocement antisyndical à cause du long conflit de 2008-2011 qui l’a opposé aux journalistes de ses deux quotidiens réfractaires aux modifications à apporter de toute urgence à la pratique de leur métier à l’ère d’internet. L’avenir a prouvé qu’il n’avait pas tort. De plus, avec le recul, l’opinion critique et indépendante en est venue à la conclusion que le blâme devait être infligé non au seul PKP, mais aussi à ses journalistes, ces « enfants gâtés » jouissant d’une semaine de travail de trois jours et de salaires faramineux enviés par les consœurs et confrères de la profession.

Pierre Godin, god. pierre@videotron.ca

 

 

 

par Pierre Godin

Que penser d’un peuple qui, après avoir été gouverné pendant près de dix ans par un parti corrompu, lui redonne le pouvoir? Si une personne trahit votre confiance, vous escroque même, le gros bon sens ne vous commande-t-il pas de ne plus l’inviter à votre table?

Pourtant, les Québécois ont fait le contraire en confiant pour quatre ans les clés de leur avenir à un parti qui est loin d’être à l’abri de tout soupçon, comme la commission Charbonneau nous l’apprend chaque jour. Et à un premier ministre qui a placé 600 000 dollars dans le paradis fiscal de l’île de Jersey, échappant ainsi à l’impôt, en plus de s’être associé au sulfureux Arthur Porter, qui s’est mis au vert après avoir été accusé de fraude et de corruption. Philippe Couillard a eu beau se laver les mains de ces allégations, le doute persistera toujours. En matière de transparence et d’intégrité, il vaudra mieux l’avoir à l’œil.

Que faut-il donc conclure du comportement politique bizarre des Québécois? Toute autre considération mise à part, comme par exemple la couverture de presse trash, superficielle, partisane à l’excès, ou la campagne pitoyable d’un mauvais gouvernement dirigé par une mauvaise chef qui a multiplié les erreurs (dont celle de ne pas avoir tenu les élections en décembre 2013, alors qu’elle disposait du momentum), faut-il conclure que notre peuple est malade? Ou qu’il est lui-même pétri d’une éthique si douteuse qu’il se fiche d’être gouverné par des filous, pourvu qu’il en retire quelques miettes? Comme si élire un parti intègre ou corrompu, c’était du pareil au même ?

Devant l’hyppopotamesque victoire libérale, je résiste difficilement à l’envie de m’écrier avec Bertolt Brecht, l’auteur de L’Opéra de quat’sous : faut-il changer de peuple? M’en choisir un plus à mon goût, moral, intelligent, moins pissou, plus solide et plus mature qui voterait avec sa tête, plutôt qu’avec ses pieds? Bien sûr que non, disons que j’ai l’ironie un peu amère depuis le 7 avril… Comme l’a observé Laurent Joffrin, directeur du Nouvel Observateur chamboulé lui aussi par la percée spectaculaire de l’extrême droite de Marine Le Pen, aux récentes élections municipales françaises, lorsque les peuples nous semblent déraper, ce ne sont pas eux qu’il faut blâmer. Mais ceux qui les gouvernent, les trompent, les détroussent. Et j’ajouterais aussi ceux qui les informent. Courant en démocratie, le « c’est la faute aux journalistes » retentit déjà chez nous. Je ne suis pas le seul à penser qu’il faudrait une sorte de commission Charbonneau des médias pour réfléchir au comportement souvent biaisé de nos journalistes durant la campagne électorale, et même avant. Car, et c’est là sans doute un legs de la foutue fracture de génération, l’hostilité déclarée des commentateurs et blogueurs postboomers envers le PQ et Pauline Marois, hostilité visible à l’œil nu durant la campagne, avait pris racine dès la victoire péquiste de septembre 2012.

Lors du premier post mortem qui a suivi la déconfiture du gouvernement Marois, qu’on aurait dit programmée par des conseillers parfaitement nuls, Dominique Payette, candidate péquiste défaite dans Charlesbourg et grande connaisseuse de l’univers médiatique, en avait long à dire. Non seulement sur la responsabilité des journalistes dans la défaite de son parti, mais encore et surtout au sujet des infâmes radios poubelle de la Ville de Québec qui ont fini, avec les années, par y engendrer une sous-culture politique axée avant tout sur la démagogie, le populisme et la bêtise.

Ma belle cité antique que j’ai quittée à 25 ans, je ne la reconnais plus! Ses vieilles pierres, sa patine des siècles passés, sa culture, sa différence et sa beauté ploient maintenant sous le clinquant, le fulgurant, les paillettes, le bruyant d’une Grande-Allée dévoyée en bistro à ciel ouvert, les moches édifices en hauteur qui jurent dans le paysage. Encore un peu, on se croirait à Disneyland! Ma Vieille Capitale a perdu son cachet d’authentique ville française et raffinée dont l’âme ancestrale se retrouvait dans toutes ses pensées et ses œuvres, comme diraient les poètes.

Bon, assez de daddy nostalgie! Retour à nos moutons, en l’occurrence l’attitude de la presse durant la dernière campagne électorale. Je ne peux m’empêcher de penser à Marc-François Bernier, ex-journaliste devenu prof en communication à l’Université d’Ottawa. Il a écrit tout un livre pour ravaler les journalistes de La Presse, du Journal de Montréal et de Radio-Canada, qu’il a longuement interrogés, à des « mercenaires » soumis aveuglément aux diktats de leur employeur dont ils défendent bec et ongles la ligne politique et les intérêts.

Jugement qui nous conduit en droite ligne au verdict aussi sévère d’un autre journaliste, Français celui-là. Il s’agit de Jean-Louis Servan-Schreiber. Dans son livre, Les riches ont gagné, il écrit que les riches ont gagné la guerre contre tous. Contre les États, les politiciens et… les médias qu’ils possèdent et influencent (comme les Desmarais et Péladeau chez nous) en laissant leurs braves petits soldats de la plume ou du gosier pérorer sur une liberté d’expression toute théorique, sachant bien que le pouvoir d’informer est tombé dans leurs mains. Feu la presse libre? On pourrait le croire. Heureusement, comme le remarque Servan-Scheiber, il reste des poches de résistance sur lesquelles l’argent n’a pas encore fait main basse pour mieux les bâillonner.

En guise de conclusion, disons que, s’il est vrai qu’il faut plancher, comme s’y astreint la commission Charbonneau, sur l’éthique élastique de nos politiciens, ne conviendrait-il pas d’en faire autant avec celle de nos informateurs qui ont manipulé une bonne partie de l’électorat québécois francophone durant les dernières élections? Car, pensons-y un instant, est-il normal de vouloir être dirigés durant quatre longues années par un premier ministre entouré de la « vieille gang » infatigable de Jean Charest et dont les placards regorgeaient, hier encore, de cadavres tout remuants?

Parfois, je me demande si la dégelée péquiste est si surprenante. Qu’attendre d’autre, en effet, d’un peuple qui, à deux reprises, aux référendums de 1980 et 1995, a choisi en toute connaissance de cause de renoncer à se diriger lui-même, préférant laisser le Canada anglais majoritaire lui dicter sa conduite? Et décider à sa place de ce qu’il deviendra en attendant de disparaître petit à petit dans la nuit des temps en baragouinant un franglais pareil à celui des Louisianais ou des Acadiens?

Je ne suis pas psychologue, encore moins psychiatre, mais il me semble qu’il y a un lien entre ces renoncements névrotiques à gérer sa propre tirelire et à se gouverner soi-même, quand on le peut, et le comportement électoral échevelé des Québécois francophones depuis quelques années. Votant tantôt à gauche, tantôt à droite, tantôt fédéraliste, tantôt souverainiste, tantôt libéral, tantôt péquiste, tantôt adéquiste, tantôt caquiste. Peuple mêlé sans doute, mais à moins que ce soit cela, la mystérieuse sagesse populaire?

 

god.pierre@videotron.ca

 

 

 

Publié par : paysdesmasques | dimanche, 30 mars 2014

Sous les libéraux, plus on accueillait d’immigrants, plus on les anglicisait

 

 Sous-titre

« Comme on avait fermé beaucoup de classes de français, on manquait de places, alors on disait aux immigrants : en attendant, apprenez donc l’anglais… » — dixit un fonctionnaire.

 

Lors du premier débat des chefs, Pauline Marois s’est désolée dans sa péroraison finale que la question du français soit évincée de la campagne. Remarque judicieuse, elle qui a dû rétropédaler sur la « refrancisation » du Québec, notamment la refonte de la loi 101, parce qu’elle était minoritaire. Il est clair cependant que Philippe Couillard avait intérêt à tuer le sujet, vu la béance de son indifférence vis-à-vis l’avenir du français dont on a pu avoir un aperçu inquiétant au second débat des chefs. Et vu aussi le bilan accablant de son prédécesseur Charest au sujet de la francisation des nouveaux Québécois qu’on pourrait résumer ainsi : plus on accueillait d’immigrants, plus on les anglicisait.

Petit rappel des faits.

La politique d’anglicisation des libéraux visait, à plus ou moins long terme, à modifier le caractère français du Québec en faveur de l’anglais. La statistique était implacable. Des 49 489 immigrés accueillis en 2009 ( la population d’une ville moyenne de province ), à peine 25 % suivaient des cours de français, alors que 40 % les boudaient carrément au vu et au su du gouvernement libéral.

« On progresse en matière de francisation », s’entêtait pourtant à dire Yolande James, ministre responsable de l’immigration. La réalité était tout autre. Débarqués chez nous en baragouinant deux ou trois mots de français, ou pas un seul, les migrants ne le parlaient toujours pas des mois après leur arrivée. Ils pouvaient remercier Jean Charest qui faisait reposer la francisation sur l’incitation, la bonne volonté, la tape dans le dos, le tout sourire… C’était la porte grande ouverte à l’anglicisation à cause de la force d’attraction de l’anglais nord-américain.

Aux États-Unis, en France, en Allemagne et en Angleterre, la connaissance de la langue commune, anglaise, française ou allemande, est obligatoire pour tout immigrant. Alors qu’au Québec des libéraux, il n’était pas nécessaire d’apprendre le français même s’il s’agissait de la langue commune. Mais ce n’était pas cette petite « contrariété » qui allait les faire renoncer à leur politique visant à angliciser l’immigration et la société québécoise par ricochet.

En effet, des cours de français, il y en aurait de moins en moins. Objectif du gouvernement : abolir le maximum de classes de francisation en évitant toutefois de soulever la tempête chez les « angoissés de la langue », pour reprendre l’expression de l’une des  « plumes » de La Presse, Alain Dubuc. Connecté au milieu des affaires qui avaient combattu bec et ongles la charte du français ( loi 101 ) adoptée, 30 ans plus tôt, par René Lévesque, le scribe tombait dans la dérision propre à ceux que le même René Lévesque appelait « nos exilés de l’intérieur ».

Sous prétexte de coupes budgétaires, la ministre Yolande James ferma donc 30 classes de francisation à temps complet, puis quelque temps plus tard, 35 autres classes destinées, celles-là, aux travailleurs immigrants. Cette dernière coupe allait faire épargner à l’État 600 000 $ dollars sur un budget de… 72 millions. « Une économie de bout de chandelles », s’insurgea l’Opposition péquiste, scandalisée.

Aux journalistes intrigués par ces compressions, car ils constataient tous les jours l’incapacité d’un grand nombre d’allophones de s’exprimer en français, la ministre babilla : « Les immigrants peuvent toujours décider d’apprendre le français par eux-mêmes… » Elle en était rendue aux expédients. Pourtant, les experts avaient calculé qu’à Montréal, plus de la moitié des travailleurs immigrants ne parlaient pas un traître mot de français.

Pour redresser la situation et prouver qu’il se souciait du français, Jean Charest fit insérer un article « audacieux » dans le texte de son fameux projet de loi 103 sur l’école passerelle. Il s’agissait de cette loi discriminatoire qui, en violation de la  loi 101, ouvrait la porte de l’école anglaise privée aux enfants des immigrants riches, les enfants des milieux modestes étant « condamnés » à l’école publique française… L’article stipulait que « le français était la langue normale et habituelle de l’espace public, un instrument essentiel de cohésion sociale » et qu’il était important « d’en assurer la pérennité ».

Las! devant la résistance de son électorat anglophone et allophone, à qui il devait le pouvoir, il s’était hâté de reculer honteusement. On n’entendit plus jamais parler de l’article en question, prestement caviardé dans le texte original de la loi 103, comme l’avait révélé après coup la presse. Il ne s’agissait en somme que d’une entourloupette pour calmer « les angoissés de la langue » qui s’inquiétaient des dommages collatéraux que l’école passerelle causerait à la longue au caractère français du Québec.

Succédant à Yolande James qui avait jeté l’éponge, ce fut au tour de la nouvelle ministre de l’Immigration, Kathleen Weil, de « s’illustrer ». La stratégie de cette ancienne avocate d’Alliance Québec, défunt lobby anglo très militant lié aux libéraux qui avait combattu la loi 101, était des plus limpides. Imaginer mille stratagèmes pour compliquer et ralentir la francisation des immigrants. Et par ricochet, stopper la perte de poids de sa communauté de référence en redirigeant le plus possible d’allophones vers l’école anglaise.

Pour réussir sa nouvelle « mission », la ministre pouvait miser sur la passivité indéfectible de son chef qui, comme Philippe Couillard, n’éprouvait aucune fixette à propos de la francisation. À Montréal, comme la moitié des travailleurs immigrants ne baragouinaient pas plus l’anglais que le français, elle chuchota aux hauts fonctionnaires de son ministère : « Il faut parler anglais pour se trouver un emploi. La réalité, c’est ça. Nous allons donc payer des cours d’anglais aux immigrants, à tous les immigrants, même francophones… »

Sujet tellement explosif qu’il était plus ou moins tabou, à l’interne. Quand l’affaire fuita dans la presse,  elle chercha à noyer le poisson : « La langue de travail, c’est sûr que c’est le français, mais… » Que voulait donc dire ce « mais » ? On l’apprit bientôt par les titres des quotidiens : « Langue de travail — le gouvernement consacre des millions de dollars à l’anglicisation des  immigrants. »

Révoltés par la politique de leur ministre, les cadres intermédiaires multipliaient les confidences aux journalistes : « On dit aux immigrants que l’anglais est nécessaire pour avoir un emploi. On fait ça discrètement parce que si le monde le savait… Le pire, c’est que comme on a fermé beaucoup de classes de français, les immigrants doivent attendre des mois parfois avant de pouvoir y aller. Alors, on leur suggère de suivre des cours d’anglais en attendant … Vous voyez l’astuce : on coupe la francisation pour favoriser l’anglicisation ? »

Nullement intimidée par l’Opposition péquiste qui ravalait sa politique à « une invitation à s’angliciser », la ministre Weil chercha néanmoins à atténuer l’impact négatif des cours d’anglais qu’elle « payait » aux travailleurs immigrants francophones : « Est-ce qu’un immigrant francophone devient anglicisé parce qu’il parle un peu d’anglais ? Non, pas du tout… »

La réalité prouvait le contraire. Immerger l’étranger à son arrivée dans un bain d’anglais en lui répétant qu’il devait le parler pour gagner sa croûte le ferait chavirer à jamais du côté de la vie en anglais. Il réaliserait vite que, mêmes minoritaires, les winners anglos imposaient leur langue aux loosers francos complexés qui s’empressaient de fourrer leur langue dans leur poche dès qu’ils entendaient tinter un mot d’anglais autour d’eux.

Se cramponnant à son plan d’anglicisation des allophones, Kathleen Weil appuya encore sur le champignon. Elle annonça, sans y voir de contradiction, qu’elle comptait accueillir encore plus d’immigrants. Dépasser même le chiffre mythique de 50 000 par année. Satisfaite d’elle-même, elle gazouilla : « Je ne vois aucune nécessité d’augmenter les budgets consacrés à la francisation des immigrants, on réussit très bien ce qu’on fait déjà. »

Pauline Marois avait son voyage. Prenant la presse à témoin, elle explosa : « La ministre doit être la seule au pays à croire qu’elle peut accueillir 50 000 immigrants par année sans mettre plus de ressources pour les franciser. » Un employé du métro en eut ras le pompon de tous ces immigrés anglicisés par les libérauxqui lui demandaient leur chemin dans un anglais boitillant au lieu de s’adresser à lui en français. Il promulgua sa propre politique de francisation. « Dans le métro, c’est en français que ça se passe! » annonçait l’affichette qu’il plaça près de son guichet. Quand l’État ne fait pas ce qu’on attend de lui, les citoyens rédigent leur propre loi!

Croyez-le ou non, nos blogueurs de presse francophones le désavouèrent. L’un d’eux, le barbichu Michel David, du Devoir, adopta même un ton paternaliste pour moraliser l’employé  : « La communauté anglo s’est insurgée à bon droit contre cet employé à qui il n’appartenait pas d’interpréter la façon dont la Charte du français devrait être appliquée dans le métro… »

Par chance, ce n’étaient pas tous les citoyens qui baissaient les bras devant la part de plus en plus chiche réservée au français dans les services publics de la métropole et devant la politique libérale d’anglicisation des nouveaux Québécois. « Que plus de 100 000 travailleurs immigrants ignorent le français est anormal et inquiétant », dénoncèrent les syndicats du monde de l’enseignement et du monde ouvrier. Et les zélés défenseurs du français de compléter : « Chaque fois qu’on donne des services en anglais aux allophones, on passe le message : pas besoin d’apprendre le français, vous êtes dans un État bilingue, vous pouvez travailler et vivre en anglais. »

Même si le mur de béton sur lequel Kathleen Weil allait finir par se cogner le nez se rapprochait, elle imagina un nouveau stratagème pour réduire, cette fois, le nombre de migrants francophones désireux de se fixer chez nous. Sous prétexte d’une plus grande « diversité culturelle » ( are you kidding ! ), la ministre fixa un quota de 30 % par bassin démographique. Il fallait creuser sous la surface de ce 30 % pour découvrir la couleuvre qu’elle y avait cachée.

En effet, même si nous recrutions nos immigrants dans plus de 130 pays du globe, la grande majorité provenait de nations où l’on parlait le français : France, Suisse, Belgique. Mais plus encore,  pas loin de 40 % des allophones provenaient du bassin méditerranéen — Algérie, Maroc, Tunisie. Ces migrants répondaient parfaitement bien aux critères de sélection adoptés par le gouvernement péquiste précédent : jeunes, scolarisés et francophones. Une grille de sélection contestée par la ministre Weil qui cherchait à contingenter les zones à forte immigration francophone en les soumettant à la règle du 30 %.

« C’est de la discrimination! » s’exclamèrent les critiques qui fusaient de tous bords et de tous côtés, à l’exception des milieux d’affaires et de la bergerie libérale. Le Conseil supérieur de la langue française s’interrogeait sur « les motifs cachés » de la ministre. Pauline Marois y décelait, elle, la volonté à peine masquée des libéraux de limiter l’immigration francophone. En noyant les tricotés serrés dans une mer d’étrangers parlant d’autres langues que le français, Jean Charest ne perdait pas non plus de vue sa réélection garantie par le vote massif des Anglos et des immigrés.

Robert Dutrisac, du Devoir, décortiqua à sa façon la stratégie gouvernementale : « L’appui aux libéraux est plus fort chez les allophones que chez les francophones. Le gouvernement a donc un intérêt objectif à faire diminuer le poids relatif des natifs dans la population en accueillant de plus en plus d’immigrés… »

Mais « dear Kathleen », comme ironisaient les péquistes, avait franchi la ligne rouge en voulant restreindre le nombre de migrants francophones en provenance des pays du Maghreb. Elle dut reculer honteusement, renonçant à son quota de 30 % par bassin d’immigration. « C’est perçu négativement, c’est perçu comme de la discrimination, bégaya-t-elle, la mine déconfite. Ce n’était pas le bon message à envoyer, je l’admets… »

Même échaudée, elle imagina une autre gimmick pour angliciser les immigrants. Désormais, ce ne serait plus ni elle ni son ministère, mais les organismes communautaires, qui les accueilleraient. Jusqu’ici, l’accueil du nouveau venu se faisait en deux temps et obligatoirement en français, afin de bien lui faire comprendre qu’il débarquait dans une province de langue française.

À l’avenir, celui-ci n’aurait droit qu’à une seule séance d’information donnée non plus par un fonctionnaire de l’État, mais par les communautaires qui pourraient, le cas échéant, recourir à l’anglais ou à une autre langue. Ça rouspétait du côté des fonctionnaires qui se défoulaient auprès des journalistes : « La ministre Weil n’a fait que copier ce qui se fait dans les provinces anglaises. Chez nous, on faisait les choses différemment. Il nous avait toujours semblé important que l’immigré soit d’abord en contact avec un État qui parle français. »

À l’avenir, la langue d’accueil pouvait être aussi bien l’anglais que l’espagnol, l’italien, l’allemand, le russe, le chinois, le kazakh, l’espéranto, mais pas le français… » Si jamais Philippe Couillard était élu, le 7 avril, il faudrait s’attendre à replonger dans la Babel Ville des libéraux, vu qu’il pense que même les ouvriers d’une chaîne de montage devraient parler anglais pour plaire à leurs boss américains! Mais d’où sort-il, celui-là ? S’imagine-t-il encore en Arabie saoudite ?

 

God.pierre@videotron.ca

 

 

 

 

Publié par : paysdesmasques | mercredi, 19 mars 2014

Pauline Marois et PKP plongés dans «l’horreur médiatique»

par Pierre Godin

En lançant sa campagne, Pauline Marois a envoyé paître la meute de journalistes qui la traquaient. Elle n’est pas la première à user de cette stratégie électorale recommandée aux chefs d’État par les experts en communication. Hier, Robert Bourassa en était adepte, comme Stephen Harper aujourd’hui. Même France Charbonneau, la juge anticorruption, n’a pas hésité à lancer dans la cour des journalistes une cassette préenregistrée annonçant sa commission.

Mais pourquoi fuir les journalistes comme s’ils avaient la peste ? Ce n’est pas tant à cause de leur mauvaise réputation, car en cette matière, celle des politiciens ne vaut guère mieux. Non, la vraie raison, c’est que les leaders politiques, peu importe leur couleur, veulent éviter de voir leur message déformé, trituré et falsifié, parfois grossièrement, par les médias.

On dira qu’on est en démocratie, que les élus ont des réponses à apporter aux questions de la population et que c’est le rôle de la presse de les poser. Vrai, mais à condition d’avoir affaire à des journalistes non partisans ou partiaux, comme trop des nôtres le sont depuis la prise du pouvoir par le Parti québécois, en septembre 2012. Même minoritaire, la victoire de Marois fut vécue comme une absurdité non seulement par les libéraux de Jean Charest privés du divin pouvoir, mais par leurs amis de la presse. Et plus encore par les Anglos, clientèle captive du Parti libéral. Tellement démontés, ceux-là, que l’un d’entre eux a même failli trucider la première ministre élue. On a assisté alors à ce que l’anticonformiste journaliste français Jean-François Khan, en guerre contre la pensée unique des médiacrates de son pays, appelle « l’horreur médiatique ». Pendant que les médias anglos poussaient l’indécence jusqu’à interviewer le tueur, cherchant à le « comprendre », voire à l’excuser, comme s’ils voulaient en faire un faux héros, les scribes francos, le stylo et la voix soudain tout flageolants, s’autocensuraient quand ils ne cherchaient pas, comme Yves Boisvert, de La Presse ( « Un attentat psychiatrique pas politique » ) à banaliser la tentative d’assassinat en insinuant que Richard Bain était juste un fou et que son geste n’avait rien de…politique !

Cela dit, revenons au rien-à-vous-dire-messieurs-dames-de-la-presse de Pauline Marois, lors du lancement de sa campagne. À en juger par sa piètre performance depuis le début de la  joute, ses « fins stratèges » auraient dû lui conseiller de continuer dans cette voie ! Pour qu’elle cesse surtout de répondre aux questions pièges sur le référendum qu’elle alimente en persistant à répondre à Couillard et à Legault.

Mais peut-être se serait-elle montrée plus avenante si elle avait eu à affronter des journalistes faisant preuve d’un minimum de bonne foi et ne tordant pas les faits par la peau du cou. Depuis septembre 2012, on assiste à une véritable charge d’éléphants contre la première ministre et ses politiques. Peu importe ce qu’elle dit ou fait, nos commentateurs cherchent toujours la petite bête noire à monter en épingle. Comme le soi-disant « deal » entre le Fonds de solidarité de la FTQ et son mari, sans cesse rabâché et rabâché d’un chroniqueur à l’autre, sans preuve crédible à l’appui, et malgré le fait que les trois personnes concernées, Michel Arsenault, Pauline Marois et Claude Blanchette, aient ravalé la rumeur à ce qu’elle était : de la fabulation. Depuis quand est-ce qu’en l’absence de preuves, on ne donne pas à l’accusé au moins le bénéfice du doute? Ce que la presse accorde pourtant à Philippe Couillard dans l’affaire Porter où son ex-associé est accusé de fraude.

C’est une technique connue des régimes politiques où l’info est sous influence que celle de sans cesse ramener en boucle un fait ou une image défavorables à l’adversaire. Maintenant que le « deal » est usé à la corde, nos médias ont trouvé une autre astuce pour discréditer le PQ. Le poing levé de PKP, lors de l’annonce de sa canditature, que Radio-Canada passe en rafale chaque fois que l’occasion se présente. Hier soir encore, résumant la campagne électorale de la journée, l’animateur Sébastien Beauvais a trouvé le moyen de nous « assommer » une fois de plus avec le poing de PKP crevant l’écran durant plusieurs secondes…

Tout ceci pour dire que la chef péquiste risque de sortir plus écorchée encore qu’elle ne l’est déjà de « l’horreur médiatique » qui l’attend, pour citer Jean-François Khan. Dès le début de la campagne électorale, les beagles de la presse libérale et fédéraliste se sont empressés de mettre en évidence les demi-vérités colportées par Couillard à propos du gouvernement Marois, comme ses statistiques mensongères sur la création d’emplois. Si vous en doutez, parcourez les pages émaillées de titres et d’articles hostiles dans Le Devoir et La Presse des premiers jours de la campagne.

Au quatrième jour, c’était rigolo de voir La Presse tenter de refaire une beauté au transfuge Gaétan Barrette. Maintenant qu’il a arraché de sa veste le bouton de la CAQ pour le remplacer par celui du Parti libéral, le docteur est devenu fréquentable ! Il fallait voir la une de La Presse barrée dans sa presque totalité par une photo massive, c’est le cas de le dire, du docteur Barrette qualifié de… battant ! Terme approprié, puisqu’il s’était fait…battre aux dernières élections et qu’il risque de subir la bastonnade une deuxième fois dans La Pinière grâce au miracle de Fatima !

Il ne faudrait pas oublier d’inclure non plus dans « l’horreur médiatique » que vit Pauline Marois, le préjugé favorable des journalistes du Devoir pour Québec solidaire. S’il n’en tenait qu’à eux, ils l’éliraient demain matin ! Dieu nous en garde ! Mais on n’a pas à s’étonner de leur manque de prise sur la réalité, car aux élections de septembre 2012, ils avaient tellement boosté la campagne de François Legault que le chef caquiste se voyait au pouvoir. Mais ils n’étaient pas les seuls, faut-il le préciser. Faute de pouvoir soutenir leur poulain favori, à cause de l’odeur rance de corruption politiqu flottant autour de Jean Charest, La Presse et Radio-Canada avaient jeté eux aussi leur dévolu sur François Legault et ses mirages.

Même cirque médiatique au lendemain de l’annonce de la candidature de Pierre Karl Péladeau. Il fallait voir la manchette bébête du journal d’Henri Bourassa : « Un candidat milliardaire au PQ ». Naturellement, tout le titrage de la une et des pages 2 et 3 consacrées à la campagne électorale était fortement négatif envers PKP et Pauline Marois. Malgré sa rivalité avec Quebecor et son Journal de Montréal, La Presse s’est montrée, cette fois-là, plus professionnelle que Le Devoir dans le traitement réservé à la candidature de PKP.

Lise Bissonnette avait raison de dire il y a quelque temps qu’elle ne reconnaissait plus son Devoir. Moi non plus qui y ai bossé quelques années. Si ce quotidien disparaissait demain matin, les seuls qui verseraient des larmes, ce serait sans doute… la gauche caviar de Québec solidaire qui perdrait une complicité évidente, quoique plutôt symbolique ou affective, vu son peu d’audience dans la population.

Parlant de ce parti de militants bien intentionnés, mais déconnectés, il est amusant de le voir pratiquer dans cette campagne la surenchère nationaliste pour brouiller les cartes, ce qui ne peut qu’aider les libéraux. En effet, dans sa pub électorale, ce groupuscule à la gauche de la gauche, véritable électron libre de la politique québécoise, crie sur tous les toits — permettez-moi de rire — qu’il est plus souverainiste que le PQ lui-même. Les vrais indépendantistes, ce sont les solidaires, pas les péquistes !

Cela relève de l’imposture, vu que leur cochef masculin, l’erratique Amir  Khadir, se vante d’avoir voté NPD au fédéral, parti le plus anti-indépendance qui soit sur terre, au lieu du Bloc québécois, parti-frère le plus pro-indépendance qui soit sur la même terre. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la « solidarité » ne l’étouffe pas, celui-là. Et vu aussi que sa cochef Françoise David, fédéraliste masquée à mon avis, n’ouvre la bouche que pour taper sur Pauline Marois et le PQ, comme tout le monde l’a remarqué, même Foglia. En un an, elle n’a jamais jugé intéressante ou prometteuse la moindre petite idée du PQ, caquetant son hostilité plus fort que tous les libéraux réunis de la province.

Tellement confuse aussi, notre chère solidaire, qu’elle s’oppose à l’interdiction du voile islamiste dans l’administration publique parce qu’elle se dit « inclusive ». Alors qu’elle déclare  béatement, pour ne pas dire plus, qu’elle ne s’assoirait jamais à côté de Pierre Karl Péladeau. Mais n’est-ce pas là l’expression la plus grossière de « l’exclusion » des autres ? Dans le cas de PKP, le cri du cœur sectaire et impoli de la cochef relève presque de la discrimination selon le sexe !!! Et celui de son alter ego Amir Khadir, qui a comparé l’arrivée de PKP en politique à celle de l’ayatollah Khomeini en Iran, relève de la chasse aux sorcières. Si c’est ça, faire de la politique autrement, comme Françoise David ne cesse de l’ânonner, tous ceux qui ne penseraient pas comme elle feraient mieux de faire leurs paquets et de quitter son Québec…solidaire, où il ne ferait pas bon différer d’opinion avec la « régente », si jamais elle était élue. En tout cas, qui ne penserait pas comme elle ne trouverait pas de… chaise pour s’asseoir !

En dépit de leur plaidoyer plus que respectable en faveur des déshérités de la terre, j’ai toujours pensé que les solidaires n’existaient au fond que pour une seule raison : diviser le vote souverainiste. Et par ricochet, faire le jeu des libéraux et des fédéralistes. Comme d’ailleurs les partisans de l’Option nationale de Jean-Marie Aussant, autre grand diviseur qui, avec l’aide empressée de Françoise David, a empêché le PQ d’être majoritaire, en septembre 2012. Celui-là, il peut bien s’être réfugié à…Londres après les élections. Il avait accompli ce qu’on attendait de lui. Quant à Françoise David, on est resté pris avec elle pour notre plus grand malheur. Sa « mission » n’était pas terminée. Comme le gouvernement Marois était minoritaire, elle a vite compris qu’elle aurait une nouvelle occasion, lors d’un futur scrutin, de diviser encore le vote des indépendantistes en pratiquant, cette fois-là, la surenchère nationaliste — moi, j’suis plus souverainiste qu’eux ! — afin de faire le lit des libéraux, le parti favori de sa sœurette…

Publié par : paysdesmasques | lundi, 3 mars 2014

Le pétrole d’Anticosti : nouveau casus belli des écolos et médias

 Je m’attendais à ce que les braves soldats de notre armée verte, comme le sympathique, mais trop alarmiste Dominic Champagne, et nos potineurs de la presse montent au front contre l’exploration du pétrole d’Anticosti. Du déjà vu…

On dirait que nos écolos et journalistes aiment mieux voir les Québécois se chauffer et faire rouler leurs bagnoles avec le pétrole sale des sables bitumineux albertains, plutôt qu’avec notre pétrole et notre gaz de schiste. Ils ont réussi à faire reculer le PQ pour le gaz, alors qu’ailleurs — aux États-Unis, dans l’ouest canadien et en Europe — on l’exploite, sans catastrophe, pour le profit des entreprises, c’est vrai, mais aussi pour celui de la population. Ça m’intrigue de constater que les deux coins de la planète les plus résolument hostiles au gaz de schiste soient la France et le Québec. Deux sociétés francophones à la traîne économiquement…

C’est une constante, depuis que le gouvernement Marois affiche ses politiques énergétiques, dont l’exploration pétrolière, on assiste à une attaque frontale des écolos et des médias pour les discréditer ou les ravaler à des gimmicks électoralistes. C’est la répétition du scénario médiatique entourant le voile, sauf que là, les écolos n’avaient rien à y voir !

Il fallait entendre les Anne-Marie Dussault et Patrice Roy, pour ne nommer que ces deux-là,  répéter à l’infini, chaque fois qu’il était question du pétrole d’Anticosti ou de la cimenterie de Port-Daniel, que ces deux projets créateurs d’emplois et de richesse, c’était juste de la poudre aux yeux de la part d’une première ministre pensant à sa réélection. Ça leur évitait de trop s’étendre sur leurs contenus, si ce n’est pour monter en épingle les aspects négatifs qui coïncidaient généralement avec les fulminations des écolos et des libéraux.

Un cas de biais évident m’a frappé. Quand Pauline Marois a annoncé, le 13 février dernier, qu’elle donnait le feu vert à l’exploration pétrolière sur l’île d’Anticosti, Anne-Marie Dussault, l’animatrice de l’émission 24/60 à RDI, s’en est donnée à cœur joie. Le soir même et le lendemain, elle a donné la parole à deux invités antipétrole, Christian Simard, un écolo de Nature Québec,  et Sylvain Archambault, un biologiste consultant de la Société pour la nature et les parcs, qui ont tous les deux caviardé joyeusement notre pétrole en invoquant tous les poncifs connus du discours environnemental.  Mais aucun expert propétrole.

Vous me direz qu’elle a invité la ministre Martine Ouellet en début d’émission. Vrai, mais le problème, c’est que celle-ci n’a pas pu expliquer vraiment sa politique,  car l’animatrice lui coupait la parole à tout moment. Et avec une agressivité rare, gênante même, qui m’a rappelé son entrevue quelque temps auparavant avec le ministre Pierre Duchaîne qui remplaçait Élaine Zakaïb, ministre responsable de la politique industrielle, dont le nom avait été mentionné au tableau de chasse de la commission Charbonneau. La lionne de Radio-Canada…Première ( quel slogan ridicule ! ) était tellement déchaînée contre le péquiste que je me disais qu’il allait la rembarrer et quitter le plateau. Mais non, Duchaîne avait fait preuve d’une patience d’ange, malgré le parti pris évident de l’animatrice. Certes, comme disait Albert Camus le journaliste, le goût de la vérité n’empêche pas de prendre parti. À condition de ne pas sombrer dans la partisanerie outrancière.

Moi, je suis de l’époque des grands intervieweurs du Radio-Canada d’avant l’actuelle, les Judith Jasmin, René Lévesque, Gérard Pelletier, Pierre Nadeau, Louis Martin ou Bernard Derôme, pour ne citer qu’eux. Ces gens-là, quand ils invitaient quelqu’un, c’était parce qu’ils jugeaient que cette personne avait des choses intéressantes à dire. Ils la laissaient parler, ce qui n’excluait pas les questions pointues, mais ils ne se servaient pas de leur invité comme faire-valoir. Leur but premier ne consistait pas à le « planter », comme on dit, mais à informer les auditeurs. Même si parfois, un invité coriace pouvait leur faire perdre la face.

Dans son édito sur le même sujet — « Le pétrole d’Anticosti : miroir aux alouettes ? » — Bernard Descôteaux, le directeur du Devoir, a  au moins fait valoir d’abord les avantages d’une mise en valeur du pétrole d’Anticosti : redevances de 45 milliards de dollars, indépendance énergétique plus affirmée, balance commerciale du Québec bonifiée, etc. N’empêche qu’il n’a pas pu s’empêcher de douter, lui aussi, de la sagesse ou de la pertinence de la décision de Pauline Marois. Alignant tous les « risques possibles » d’un projet « qui n’est rien d’autre qu’un immense pari », avant de prédire qu’on récupérerait à peine 5% du pétrole et de nous entraîner chez monsieur de La Fontaine et sa fable de la laitière et du pot au lait « où Perrette rêve à tout ce qu’elle fera avec l’argent de son pot de lait jusqu’à ce qu’il se brise ». Vous saisissez le message ?  Ne prenons pas de risques, ne bougeons pas… Comme si Pauline Marois était assez frivole ou amateur pour jeter 115 millions de beaux dollars publics ( le coût de l’exploration ) en pâture aux « alouettes » de  l’île d’Anticosti !

Si j’étais étudiant en science po ou en communication, je bosserais sur une analyse du contenu de nos médias depuis que le PQ a pris le pouvoir pour évaluer notamment l’importance du matraquage systématique de l’opinion avec des infos hostiles à la charte de la laïcité et à la nouvelle politique énergétique du gouvernement Marois. Et je me ferais un devoir d’étendre mon étude aux élections en vue. Juste pour voir si se répétera la campagne de presse négative de septembre 2012 à l’égard de Marois et du PQ. Juste pour voir si nos journalistes feront encore la campagne de François Legault ou de Françoise David, quoique ces deux-là ont perdu des plumes depuis ! À défaut, il restera toujours Philippe Couillard, comme défouloir.

On a peut-être tort de trop s’en faire à propos de ce que racontent les médias. Les peuples ont la tête dure. On l’a vu à l’automne 2012. Marois a été élue malgré une info politique favorable à François Legault et sa CAQ — tellement que celui-ci se voyait déjà au pouvoir — aux  libéraux même discrédités de Jean Charest et au Québec Solidaire de Françoise David, révélation du débat des chefs de la campagne.

À parcourir à vue d’œil les pages des quotidiens de la campagne électorale de septembre 2012,  on se rend compte que c’était anybody but Pauline Marois.  Mais ce peuple qui a la tête dure n’a pas écouté le babillage médiatique et en a décidé autrement. On en est témoin encore avec la charte de la laïcité qui, malgré tous les efforts pour la diaboliser de la part d’une presse déconnectée qui ressasse les objections des élites, plaît avec raison aux électeurs. La sagesse des peuples, si ça existe, c’est peut-être cela…

Je lis actuellement le dernier livre de Jean-François Kahn, L’horreur médiatique, qui a certaines résonnances chez nous. « Levez-vous les journalistes ! » s’écrie le fondateur trouble-fête de l’hebdo politique Marianne, qui combat la « pensée unique » diffusée par les médias de son pays, c’est-à-dire celle de leurs propriétaires et gestionnaires. Kahn est célèbre chez lui pour le procès qu’il a instruit contre les « élites médiatiques »  françaises « de moins en moins lues et de moins en moins écoutées », affirme-t-il.

Kahn, c’est la mauvaise conscience des journalistes français qui se font fort de boycotter son magazine jugé trop provocateur quand il affirme, par exemple, qu’ils figurent parmi les professions les plus discréditées. « Ils l’ont bien cherché », écrit-il, en fustigeant ces scribes gouvernés par l’émotion et la pensée officielle, et non par l’intelligence et l’indignation. « Ils ne nous disent rien, ils nous cachent tout ! » se plaint-il. En pensant à chez nous, il serait plus juste d’écrire que nos journalistes nous disent beaucoup de choses, oui, mais uniquement ce qu’ils veulent bien nous dire… Et  de l’inutile et des non-nouvelles, en veux-tu en v’là !

Kahn s’en prend aussi aux journalistes si prompts à fustiger la fermeté et la rigueur du gouvernement et à l’égard desquels, heureusement, les Français restent de plus en plus indifférents. Et le provocateur de rappeler que le référendum de 2005 sur la constitution européenne fut le premier révélateur du « tragique naufrage »  des médias français. Alors que l’ensemble de la presse favorisait le Oui ( un peu comme chez nous au référendum perdu de mai 1980 ), en méprisant le quidam qui osait remettre en question sa science, une nette majorité de Français rejetaient le texte peu ragoûtant de la future constitution qu’on tentait de leur faire avaler.

Les peuples, je l’ai dit plus haut, ont la tête dure. Et c’est à espérer qu’il en sera ainsi chez nous non seulement pour la charte de la laïcité plébiscitée, selon les sondages, par les citoyens lambdas sinon par leurs élites médiatiques. Mais aussi pour les nouvelles politiques économiques et énergétiques du gouvernement Marois. Comme l’exploration pétrolière à l’île d’Anticosti, mais dans des conditions ne créant pas d’affreuses et profondes balafres dans le sous-sol et à la surface de l’île.

Des politiques qui ciblent, pour une fois, les intérêts des Québécois, après dix années d’un gouvernement libéral trop pressé de servir d’abord sa clientèle électorale et ses amis, dans le climat délétère de la corruption politique, pour se préoccuper vraiment de leurs valeurs et de leurs besoins.

god.pierre@videotron.ca

  

 

Arroseur arrosé, Jacques Parizeau, chasseur attitré des taupes infiltrées au PQ, comme Claude Larivière, un indic de la section antiterroriste de la police de Montréal, était lui-même « infiltré » à son insu par la police, à cause de sa liaison avec Carole Devault, sa proche collaboratrice dans le comté d’Ahuntsic où il fut candidat du Parti québécois, en avril 1970.  « La période la plus périlleuse de ma vie », avouera-t-il plus tard. Et comment! Car son amante était délatrice. La police l’avait recrutée avant qu’elle ne cherche à entrainer le jeune prof d’histoire Robert Comeau, alors membre actif du FLQ, dans un vol à la Caloil pour financer le mouvement terroriste. Mais celui-ci se défila car il se méfiait d’elle avec raison car elle était indicatrice de la  police sous le nom de code de « Poupette », matricule 945-171. Jacques Parizeau n’apprit qu’en 1980, aux audiences de la commission d’enquête Keable sur les agissements de la GRC, la double personnalité de Carole Devault.

Notre chasseur d’espion lui-même pris comme cible n’a pas attendu la prise du pouvoir du PQ, en novembre 1976, pour se soucier des questions de sécurité. À la même époque, pour « voir d’où venaient les coups », selon son expression, il avait organisé « une filière de renseignements ». La presse révéla que le « réseau Parizeau » était chargé de cuisiner les députés et ministres fédéraux trop bavards. Sa tête de pont était formée de trois « superespionnes » péquistes, dont Louise Beaudoin et Lorraine Lagacé, celle qui allait, en 1981, démasquer l’informateur de la GRC infiltré au PQ, Claude Morin lui-même, ministre québécois des Relations fédérales-provinciales.

Derrière les lignes ennemies 

Dans le monde obscur du renseignement, c’est souvent : tu m’espionnes? Je t’espionne moi aussi. Toute une histoire rocambolesque que celle de Claude Morin rémunéré par la GRC pour espionner le PQ, mais qui à son tour espionnait les fédéraux. C’était du «donnant donnant», se justifiera-t-il, une fois démasqué. Après la conférence constitutionnelle de novembre 1981, où il était le principal négociateur du Québec, sa collaboratrice Lorraine Lagacé, à qui il avait avoué son péché, alla frapper à la porte de René Lévesque. Elle lui apprit que Claude Morin avait touché de l’argent de la GRC en échange d’infos sur son gouvernement. Une véritable bombe! Convoqué par le premier ministre, loin de nier les faits, le superespion signa même une confession complète à sa demande. Pour contrer l’adversaire, précisa-t-il, il fallait oser traverser les lignes ennemies. Surtout ne pas faire l’enfant de chœur quand on prétendait faire l’indépendance. Son aveu lui vaudra néanmoins d’être viré du Conseil des ministres, le 31 décembre de la même année, par un René Lévesque complètement dévasté par la révélation.

Le chef péquiste emportera son secret dans la tombe. « L’affaire Morin », comme dira la presse, éclatera publiquement dix ans plus tard, soit peu après la mort de René Lévesque. Une affaire dont il reste aujourd’hui bien des coins d’ombre. Connaîtra-t-on un jour toute la vérité, rien que la vérité? Claude Morin était-il un agent double? Espionnait-il les péquistes de René Lévesque ou les libéraux fédéraux de Pierre Trudeau? La seule façon de le savoir serait de dépiauter ses papiers personnels qu’il a déposés aux Archives nationales en 2006. Le hic, c’est que le snoreau les a interdits à la consultation pour… cent ans! Le Québec existera-t-il encore en 2106? Pas nous, en tout cas. Ni Claude Morin.

 

Liberalist, l’espion de Justin Trudeau

Voilà ce qui s’est passé chez nous au cours des dernières décennies. De l’histoire ancienne? Pas si que ça. Grâce aux technologies modernes d’espionnage des citoyens d’une nation, le monitorage devient aujourd’hui plus sophistiqué, plus efficace, comme le lanceur d’alarme Edward Snowden l’a révélé au monde entier. Ainsi, Justin Trudeau, digne fils de l’autre, et chef des libéraux fédéraux, n’a pas besoin aujourd’hui de la valise diplomatique, comme à l’époque de son père, pour savoir ce que font et ce que disent les honnêtes citoyens lambdas et leurs dirigeants.

Son outil, c’est la gigantesque base de métadonnées dont il vient de se doter à l’exemple de celle constituée par Barack Obama, aux élections de 2012. Conçue par les informaticiens d’Apple et de Google, ces moteurs de recherche qui ramassent, comme Facebook, des millions pour ne pas dire des milliards d’infos sur la vie privée des utilisateurs, la nouvelle arme électorale des libéraux a été baptisée en anglais Liberalist. Grâce au monitorage des 23 millions d’électeurs canadiens, elle dévoile tout sur eux : intérêts, adresses, numéros de téléphone, allégeances politiques, origine ethnique, niveau de vie, etc. Bref, le Big Brother de Justin Trudeau ne surveille pas seulement vos mails et vos coups de fil, il veut aussi savoir ce que vous pensez et pour qui vous votez. L’un des admirateurs libéraux de ce nouvel espion a prédit sans état d’âme que Liberalist était l’outil qui faisait entrer le Parti libéral dans le XXIe siècle… Inquiétant, non?

Il n’y a donc plus de gêne à avoir, comme l’attitude du  premier ministre Harper en fait foi encore. Il possède, lui aussi, sa liste secrète des «amis» et des «ennemis » de son parti, de ceux qui aiment ou détestent les conservateurs : numéro de téléphone par numéro de téléphone, adresse par adresse, rue par rue, etc. Bien plus, Harper a nommé l’ex-ministre conservateur Chuck Strahl à la tête du comité de surveillance des services de renseignement canadien, le SCRS. Or, cet homme, lié à la plus secrète des agences canadiennes qui espionne les citoyens et les entreprises, a eu l’indécence de devenir lobbyiste pour la pétrolière Enbridge qui tente de faire accepter ses pipelines controversés en Colombie-Britannique et au Québec.

Un rapport qui a fuité dans les médias a révélé que Strahl avait demandé au SCRS de garder l’œil ouvert sur le « terrorisme environnemental », c’est-à-dire de surveiller les groupes et les personnes qui s’opposaient aux pipelines d’Enbridge dont il défendait les intérêts comme lobbyiste. « Quand vous espionnez vos propres citoyens s’est scandalisé le NPD, vous devez avoir de très bonnes raisons et être indépendant et fort… » Ce qui n’est pas le cas de Chuck Strahl, niché au cœur d’une liaison dangereuse doublée d’un conflit d’intérêts patent. Aux dernières nouvelles, notre espion canadien venait tout juste d’abandonner sa mission «pétrolière» devant la clameur publique.

Échelon, un documentaire télé sur le pouvoir secret des États diffusé sur France 2, en octobre 2012, et repris par You Tube, est de nature à nous enlever toute illusion sur la surveillance dont nous sommes l’objet. Selon Fred Stock et Mike Frost, deux ex-agents canadiens du C.S.T. , Centre de sécurité des télécommunications du Canada ( sorte de petit frère de la fameuse N.S.A. américaine mise en vedette par Edward Snowden ), Ottawa espionne depuis toujours des mouvements comme Green Peace, Amnistie Internationale, la Croix Rouge et, évidemment, les indépendantistes québécois. Témoignage de Mike Frost : « C’était notre boulot de fournir au gouvernement  fédéral tous les renseignements que nous pouvions trouver sur l’indépendance possible du Québec. On écoutait même les conversations entre les gouvernements du Québec et de la France. Et à ma connaissance, ça continue aujourd’hui car  la séparation du Québec est toujours d’actualité… » Pour se justifier, nous ont encore appris nos deux ex-espions, le C.S.T. disait toujours qu’il espionnait seulement les terroristes et les pays ennemis : « Ce n’était pas vrai, on espionnait aussi les pays amis et nos alliés… »

 

 Éteignez votre cell à l’aéroport !

La surveillance, c’est comme une hydre à sept têtes.Vous en coupez une, une autre émerge. Ainsi vient-on d’apprendre encore, grâce au sonneur d’alarme Edward Snowden, que les services secrets canadiens, en partenariat avec leurs collègues américains, espionnent les voyageurs utilisant Internet sans fil dans les grands aéroports du pays. Si vous projetez de prendre l’avion, laissez donc votre portable à la maison, ou éteignez-le à l’aéroport ! Sachez aussi que chaque fois que vous googlez, vous donnez du travail aux « surveillants ».

Petit crochet par la France où on se demande là aussi si on peut encore vivre caché et garder sa vie privée à l’abri des regards indiscrets de l’État. Dans ce pays, le gouvernement ordonne aux opérateurs de téléphone et aux serveurs d’Internet de conserver durant un an les données collectées. Et pourquoi, je vous le demande? Pour permettre à la police et aux services de renseignement d’y accéder, le cas échéant. « Ma vie en liberté surveillée », titrait dernièrement un reportage fouillé qui nous apprenait comment étaient collectés et stockés dans des fichiers centraux et des bibliothèques virtuelles ultraprotégées les renseignements personnels puisés dans plusieurs domaines de la vie quotidienne : téléphones, textos, SMS, mails, adresses, comptes bancaires, cartes de crédit, voyages, plaques d’immatriculation, etc. Conclusion : à l’heure actuelle, il est impossible d’échapper à la surveillance de l’État et de certaines grandes entreprises informatiques.

Et au Québec d’aujourd’hui, pouvons-nous encore vivre une vie peinarde à l’abri des indiscrétions de notre Big Brother à nous? Interrogez les étudiants de nos universités sur la vidéosurveillance. Ils en ont ras le bol d’être épiés à tout instant. Un exemple entre autres, mais pour avoir une bonne idée de l’ampleur de la surveillance, il nous faudrait un Snowden ou encore un journaliste plus futé que les autres qui creuserait le dossier au lieu de coller à son fauteuil et de mémérer sur tout et sur rien.

Difficile à imaginer. Obnubilés par la croisade anticharte de la laïcité du PQ orchestrée par le Parti libéral — jusqu’à se réveiller la nuit pour haïr Pauline Marois ! —, nos blogueurs et reporters de presse ne voient sur leur écran radar que le voile islamiste qu’ils s’acharnent à banaliser. « La charte de la honte ! » s’indigne dans La Presse la plus que prévisible Lysiane Gagnon tandis que sa collègue blogueuse du Devoir, Francine Pelletier, ne voit dans toute cette histoire que de la «chicane». Mot valise du dictionnaire fédéraliste et libéral, qu’elle a emprunté à Jean Charest, et qui vise à bloquer la réflexion collective sur des enjeux importants comme l’indépendance ou l’islamisation rampante de la société québécoise.

Pourtant, tout le monde le sait, ou devrait le savoir, le voile islamiste constitue le symbole le plus visible de l’infériorité et de l’inégalité de la femme musulmane. Comme l’écrit le philosophe Alain Finkielkraut, c’est l’outil par excellence de l’islam pour diviser le monde en deux et l’organiser selon une stricte séparation des sexes. C’est pour quand, le « burkini » dans les piscines publiques de la province réservées aux femmes ? Nos espions de toute farine en seraient frustrés, sinon nos journalistes prêts à tout avaler pour ne pas faire de « chicane ». Car la vidéosurveillance deviendrait mortellement ennuyeuse avec toutes ces femmes emmaillotées des pieds à la tête…

Pierre Godin

 

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